La génération Matrice

Pow! Paf! Ralenti! Back kick flip! 360 degrés! Gros plan de balle qui frôle la face! Kung-fu! Pantalons tight! La-Z-Boy en cuir brun! Lunettes de soleil même quand y fait pas soleil! La Matrice, c’est tout ça et bien plus encore. Vraiment beaucoup, beaucoup plus.

J’avais environ 16 ans. L’âge parfait pour découvrir La Matrice. Juste assez impressionnable pour «BAD TRIPER» sur l’action et les effets spéciaux, et juste assez mature pour comprendre une partie du message. Je dis une partie, parce que sérieusement, quelqu’un qui étudie en philosophie peut facilement faire sa maîtrise sur La Matrice. À 16 ans, j’avais compris l’essentiel. Y a un système, des agents qui le défendent et des résistants qui le combattent. Ah, et Keanu Reeves joue deux émotions. Neutre, et fâché neutre.

J’aime particulièrement le moment où Morpheus explique à Neo, justement, les rudiments du système et mentionne qu’il y a des citoyens qui acceptent tellement ledit système qu’ils vont tout faire pour le défendre. Défendre l’illusion au lieu de combattre la réalité. Puis, après, je pense que Morpheus et Neo vont dans un dojo faire des katas en flottant.

Depuis, dans ma tête, c’est ainsi que je vois le combat. Ce n’est pas tant un combat entre le Bien et le Mal, c’est un combat entre la réalité et l’illusion. Les «maudits jeunes» qu’on voit aller depuis des mois semblent avoir cette lucidité, cette hargne contre un système corrompu. Ce désir d’appeler un chat un chat, un menteur un menteur.

C’est une génération qui n’a pas été informée, «endoctrinée» pendant 30, 40 ans par un ou deux seuls médias. C’est une génération née avec l’internet et tout ce que ça implique. Le choix. La variété. Le gros taux de n’importe quoi aussi. Mais c’est ce qu’il y a de beau avec l’internet, ce n’est pas un agent d’illusion, c’est un agent de réalité, aussi laide et bizarre que belle et surprenante. C’est l’humain, sans filtre, sans manipulation.

Certains «vieux» – je mets vieux entre guillemets parce que je connais des vieux de 20 ans – chialent. Parfois juste par orgueil. Voir quelqu’un réussir, s’acharner là où on a abandonné, échoué, ça blesse. Mais si on voyait ça autrement? Si ce n’était pas un projet de génération, mais un projet de peuple? Si, pour se défaire d’un système, ça prenait plusieurs générations? Un apprentissage qui se fait à long terme, un dégossage du cerveau qui s’estompe d’une génération à l’autre? Un éveil qui prenait plus de temps qu’avaler une pilule?

L’Église est un bel exemple. Quand on est sortis de l’Église, l’Église n’est pas sortie de nous pour autant. D’une génération à l’autre, on est passé de : «Ouin, j’aime Dieu pis Jésus, mais pas le curé» à «Ouin, j’aime Dieu, mais pas la vision d’un Dieu méchant» à «Ouin, Dieu, la vie, l’univers, c’est tout mêlé» à «Ouin, on s’est fait fourrer solide finalement.»

C’est peut-être le même processus avec la politique. Je suis plus et mieux informé que mes grands-parents, qui eux l’ont été mieux que leurs parents. Ce n’est pas une question de meilleur, mais une question d’accessibilité. Puis mes enfants, risquent, je l’espère d’être encore mieux informés, outillés, éduqués que moi. Tant mieux. Plus on en sait, plus on comprend, moins on accepte le mensonge et le vol.

L’ignorance est l’arme la plus fatale de la soumission. «Je sais pas comment ça marche, faque pourquoi m’en préoccuper? Je vais faire confiance à ceux qui s’en occupent, y’ont l’air corrects, y’ont des habits propres.» Smith aussi avait un habit propre.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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