Changer les meubles de place
J’allais écrire, puis j’ai eu deux réflexions. Un, mes fenêtres sont sales. Et deux, j’suis payé pour penser. C’est fou pareil. À chaque semaine, dans ce journal, j’écris mes raisonnements sur une situation X, et, pour ça, on me donne de l’argent. J’ai intérêt à y penser à mes pensées, sinon, mon salaire c’est une belle joke. Parfois, ça peut être fatigant de penser. Poser des questions, remettre en doute, approfondir. À un moment donné «Le divan, on le met où?» Après trois ou quatre essais, ça finit par «Ah pis, d’la marde, laisse-le là, je “checkerai” ça plus tard.» Puis finalement, le divan reste là, puis notre gros cul dessus.
Un divan, une idée, c’est un peu pareil. Y en a qui vont avoir lu des livres sur l’emplacement feng shui d’un divan dans un salon, avoir pris des mesures pour l’angle parfait, pour maximiser l’espace entre les autres meubles. Puis y en a qui y pensent même pas deux secondes. Le divan est placé là où les livreurs l’ont déposé, le plastique est encore dessus, puis la télé elle est sur sa boîte.
Quand une nouvelle idée passe dans notre tête, qu’elle vienne d’une observation personnelle ou d’une autre personne, on «deale» avec comme avec un nouveau divan. On y pense un peu, on s’épuise, on l’abandonne, ou on y pense beaucoup, on lit sur le sujet, ou on n’y pense pas du tout, on la laisse telle quelle, comme elle s’est déposée dans notre tête.
La dernière option donne des: «Oui, oui, un monsieur dans le ciel a dit à un autre monsieur que les gais vont aller en enfer.» Ouin… T’es sûr que tu veux pas prendre deux p’tites secondes voir si ce divan, là dans ta tête, mérite pas réflexion un peu? Y est peut-être pas vraiment à sa place. Si tu le bougeais un peu, le regardais sous différents angles, avec un peu de recul… Tasse la plante, voir.
Ou, moins absurde, ça donne des: «Oui, oui, le Plan Nord, c’est tout clean, Jean Charest l’a dit.» Ou: «Tiens, je me demande si du savon à vaisselle d’évier ça peut faire la job dans un lave-vaisselle.» Je vous le confirme. Ça mousse que l’tab&#?$.
Si j’avais pensé ne serait-ce qu’une seconde de plus, j’aurais pas fait cette gaffe de demeuré. Mais oui, un jour, j’ai fait ça. Et devine ce qui se ramasse mal sur un plancher avec de l’eau? D’la mousse! Ça fait juste plus de mousse! C’est pas noir ou blanc.
Génie ou demeuré. Celui qui prend le Coran ou la Bible pour du cash peut être un architecte ou un médecin. Le divan de l’architecture et de la médecine a passé au cash dans sa tête. Les questions, les connaissances sur le sujet se sont multipliées. Mais, pour X raisons, le divan de «Comment vivre en société, d’où on vient», lui, il est resté tel quel, comme il a été déposé dans sa tête. C’est le printemps. C’est le temps des grands ménages. De laver les fenêtres. On a tous dans notre tête des divans pleins de poussière. Changer les meubles de place, une fois de temps en temps, c’est peut-être bon. Pour tout le monde.