WASHINGTON — Donald Trump et ses alliés au Sénat déforment les faits sur les nominations à la Cour suprême alors que le président se prépare à présenter sa candidate pour remplacer la défunte juge Ruth Bader Ginsburg.
Informé du souhait de la juge Ginsburg de voir le vainqueur présidentiel en novembre choisir son remplaçant, M. Trump a prétendu que les démocrates avaient fabriqué la revendication et a insisté sur le fait qu’il était de son impératif constitutionnel de nommer neuf juges à la Cour suprême. Les deux affirmations sont sans fondement.
En fait, une journaliste chevronnée de la Cour suprême a rapporté et vérifié la déclaration de la juge Ginsburg et rien dans la Constitution n’exige qu’il y ait neuf juges. Les républicains du Sénat en 2016 n’ont eu aucun scrupule à laisser un siège vacant pendant 14 mois, affirmant que les électeurs devraient d’abord décider du président.
Donald Trump et les sénateurs républicains ont également affirmé à tort qu’un tribunal de huit membres laisserait le pays dans le chaos en cas de différend électoral et ont faussement suggéré que le Parti démocrate élabore un plan pour élargir la plus haute cour depuis des mois.
Le candidat démocrate Joe Biden a quant à lui affirmé à tort qu’une nomination pouvait attendre, en partie parce qu’il n’y a pas de session de la Cour suprême avant les élections de novembre. Or, le mandat du tribunal commence le 5 octobre.
Voici une vérification des propos de Donald Trump, de ses alliés du Sénat, et de Joe Biden:
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DONALD TRUMP, sur la requête de la juge pour que son remplaçant soit choisi par le prochain président:
«Je ne sais pas si elle a dit cela, ou si cela a été écrit par Adam Schiff, Schumer et Pelosi. Cela est sorti du vent. Cela semble si beau, mais cela ressemble à un accord avec Schumer, ou peut-être Pelosi ou « Shifty Schiff »» – En entrevue à «Fox & Friends».
LES FAITS:
Il affirme sans fondement que les démocrates du Congrès ont inventé la déclaration de la juge Ginsburg, que Donald Trump ignore en allant de l’avant avec sa nomination.
Dans les jours qui ont précédé sa mort, la juge a dit à sa petite-fille Clara Spera: «Mon souhait le plus ardent est que je ne sois pas remplacée tant qu’un nouveau président ne sera pas installé», selon Nina Totenberg de NPR, journaliste de longue date à la Cour suprême.
Mme Totenberg, qui est proche de la famille Ginsburg, a confirmé la déclaration cette semaine. Elle a affirmé au réseau MSNBC, lundi, que d’autres personnes dans la salle à ce moment-là avaient entendu la juge faire cette déclaration, dont son médecin. «J’ai vérifié parce que je suis journaliste», a-t-elle soutenu.
Il n’y a certainement aucune preuve que la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, le représentant Adam Schiff ou le chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, ont fabriqué la demande de la juge Ginsburg, comme l’avance le président. «Monsieur président, c’est bas. Même pour vous », a écrit M. Schiff sur Twitter.
M. Trump a indiqué qu’il annoncerait son choix samedi.
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DONALD TRUMP, sur la raison pour laquelle il nomme un juge si près de l’élection:
«J’ai l’obligation constitutionnelle de nommer neuf juges» – En réponse aux journalistes, mardi
LES FAITS:
Pour être clair, il n’y a aucune obligation constitutionnelle d’avoir neuf juges à la Cour suprême.
La Constitution, en fait, ne précise aucune taille pour la Cour suprême, et le Congrès a le pouvoir de changer sa taille.
Au cours de son histoire, la plus haute cour a varié en taille de cinq à dix juges, selon le nombre de circuits judiciaires aux États-Unis, selon Russell Wheeler, chercheur invité à la Brookings Institution et ancien directeur adjoint du Federal Judicial Center. Le Congrès a décidé de neuf circuits à la fin des années 1860.
Le président Franklin D. Roosevelt avait voulu élargir le tribunal dans les années 1930 dans le but d’obtenir un soutien judiciaire plus large pour ses politiques du New Deal, mais cet effort a échoué.
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JOE BIDEN, plaidant pour que le prochain juge soit choisi par le prochain président:
«Il n’y a pas de session de la cour entre maintenant et la fin de cette élection.» – Des propos prononcés dimanche à Philadelphie.
LES FAITS:
C’est faux. Une nouvelle session de la Cour commence le 5 octobre, près d’un mois avant les élections du 3 novembre. Les juges sont prêts à entendre les plaidoiries dans plusieurs affaires pendant cette période.
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DONALD TRUMP:
«Nous avons besoin de neuf juges. On a besoin de ça. Avec les millions de bulletins de vote non sollicités qu’ils envoient, c’est une arnaque; c’est un canular. Tout le monde le sait. Et les démocrates le savent mieux que quiconque. … Donc, le faire avant les élections serait une très bonne chose parce que vous allez probablement le voir» – En réponse aux journalistes, mardi
LES FAITS:
Les bulletins de vote par correspondance n’ont rien de frauduleux et les fausses affirmations du président Trump ne fournissent certainement pas une justification valable pour accélérer une nomination judiciaire.
Tout d’abord, il n’existe pas de bulletin «non sollicité». Cinq États envoient régulièrement des bulletins de vote à tous les électeurs inscrits afin qu’ils puissent choisir de voter par la poste ou en personne. Quatre autres États et le District de Columbia adopteront ce système en novembre, comme dans presque tous les comtés du Montana. Les responsables électoraux soulignent qu’en s’inscrivant pour voter, les gens demandent effectivement un bulletin de vote, il est donc insensé de qualifier les documents qui leur sont envoyés de «non sollicités».
De façon générale, la fraude électorale s’est avérée extrêmement rare. En 2017, le Brennan Center for Justice a classé le risque de fraude électorale entre 0,00004 % et 0,0009 %, sur la base d’études sur les élections passées.
Dans les cinq États qui envoient régulièrement des bulletins de vote à tous les électeurs qui se sont inscrits, il n’y a pas eu de cas majeurs de fraude ou de difficulté à compter les votes.
Sur les quatre États qui ont adopté le vote par correspondance universel cette année, seul le Nevada est réellement en jeu. Avec ses six voix au Collège électoral, il est susceptible de jouer un rôle central dans une impasse présidentielle nationale.
Il est vrai que de nombreux États s’attendent à une augmentation du vote par correspondance en raison de la pandémie de coronavirus, ce qui pourrait prolonger le décompte des voix. Mais rien n’indique qu’une fraude massive liée à des bulletins «non sollicité» est en cours.
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JOE BIDEN:
«Nous ne pouvons pas continuer à réécrire l’histoire, à brouiller les normes, en ignorant notre précieux système de freins et contrepoids. Cela comprend toute cette affaire de publier une liste de candidats potentiels que je proposerais. Ils disent maintenant, après le décès de Ruth Bader Ginsburg, ils ont dit: « Biden devrait publier sa liste. » Il n’est pas étonnant que la campagne Trump me demande de publier la liste seulement après son décès» – Des propos prononcés dimanche à Philadelphie.
LES FAITS:
Ce n’est pas vrai que la campagne de Donald Trump a attendu la mort de la juge pour réclamer sa liste de candidats potentiels à la Cour suprême. M. Trump en parlait le mois dernier.
Le 9 septembre, le président a publié une liste de 20 personnes supplémentaires qu’il envisagerait de nommer au plus haut tribunal s’il y avait des postes vacants. Il avait fait une démarche similaire en 2016.
Dans un communiqué de presse diffusé le même jour, le directeur de la campagne 2020 de Donald Trump, Bill Stepien, a déclaré: «Les électeurs méritent de la transparence et une vision claire de la direction que prendraient les tribunaux fédéraux avec les candidats à la présidence. Nous exigeons maintenant avec force que Joe Biden fasse de même.»
Donald Trump en avait même parlé plus tôt, à la convention républicaine à fin du mois d’août. «Je demande une liste. Laissons Biden dresser une liste des juges qu’il va nommer», a-t-il affirmé.
M. Biden s’est engagé à nommer la première femme noire à la Cour suprême, mais il n’a pas fourni de détails supplémentaires.
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TED CRUZ, SÉNATEUR RÉPUBLICAIN, sur les dangers d’une Cour suprême à huit membres et l’élection contestée de 2000:
«(L’élection de 2000) a été une bataille épique dans laquelle Al Gore a contesté les résultats des élections et pendant 36 jours, le pays était plongé dans le chaos. Eh bien, si Joe Biden refait cela cette année et que nous avons une cour divisée également à quatre contre quatre, elle ne pourra rien décider. Cela pourrait faire durer cette élection présidentielle pendant des semaines et des mois et jusqu’à l’année prochaine. C’est une situation intolérable pour le pays. Nous avons besoin d’un tribunal complet le jour du scrutin.» – En entrevue à «This Week», sur le réseau ABC
LES FAITS:
L’affirmation du sénateur du Texas selon laquelle un tribunal de huit membres serait dans l’impasse sur toute contestation de l’élection du 3 novembre et pourrait faire traîner les résultats «jusqu’à l’année prochaine» est exagérée.
Ted Cruz fait référence au moment où la Cour suprême, par un vote de cinq contre quatre, a réglé l’élection de 2000 en faveur du républicain George W. Bush, en mettant fin à un second dépouillement ordonné par un tribunal d’État de la Floride, dont le résultat était contesté.
Premièrement, les chances que l’histoire se répète en Floride ou ailleurs sont faibles. Le problème ne se posera pas du tout si l’un des candidats montre un net avantage dans la plupart des États le jour du scrutin ou peu de temps après. Et même si les élections sont désordonnées et contestées devant les tribunaux, le pays aura un président en janvier. Il ne sera pas dans les limbes «jusqu’à l’année prochaine» comme le prétend M. Cruz, parce que la Constitution et la loi fédérale le garantissent.
Actuellement, le tribunal est divisé entre cinq juges nommés par les présidents républicains et trois par les présidents démocrates. Une égalité à quatre contre quatre dans une affaire électorale présidentielle très médiatisée — ce qui se produirait si un juge conservateur rejoignait les libéraux — laisserait en place une décision d’un tribunal fédéral ou d’État inférieur, ratifiant ce que le tribunal inférieur aurait décidé. Cela ne laisserait pas l’affaire indéterminée.
La perspective d’une égalité à quatre contre quatre est également moins probable qu’en 2016, lorsque les sénateurs républicains ont laissé le siège du juge Antonin Scalia vacant pendant des mois. Sa mort en février 2016 avait laissé le tribunal divisé entre quatre juges nommés par les républicains et quatre juges nommés par les démocrates pour trancher un différend électoral, le cas échéant.
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MITCH MCCONNELL, CHEF DE LA MAJORITÉ AU SÉNAT:
«Les démocrates menacent d’attaquer les fondements du Sénat et de la Cour s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent. Voici le problème avec cette tentative de chantage: ils font déjà ces menaces depuis de nombreux mois. Ils font campagne là-dessus depuis plus d’un an.» – Sur Twitter, mardi
LES FAITS:
Ce n’est pas vrai que les démocrates font campagne pour des changements tels que l’élargissement de la Cour suprême depuis «des mois» et «plus d’un an». Il n’est pas non plus acquis que les démocrates adopteront finalement cette proposition.
Alors que la soudaine vacance du siège de la juge Ginsburg a incité les progressistes à appeler à un élargissement du tribunal, Joe Biden a jusqu’à présent refusé d’adopter l’idée. Et les démocrates n’ont presque rien dit sur la Cour suprême lors de leur convention nationale en août.
Joe Biden, qui a mené une campagne aux primaires relativement au centre et passé 36 ans au Sénat, est préoccupé par le fait que de telles mesures aggravent les divisions au pays.
Une autre inquiétude est que changer la taille du tribunal pour la première fois en 150 ans pourrait finir par nuire aux démocrates, puisque les républicains pourraient faire la même chose lorsqu’ils contrôleront à la fois le Congrès et la Maison Blanche. Face à un tribunal conservateur à six contre trois, alors que la nouvelle année commence, les démocrates devraient ajouter quatre sièges pour surmonter l’avantage des républicains. Avec un tribunal de 15 juges, seulement deux ajouts de plus par les républicains renforceraient leur avantage.
Lors des primaires démocrates, Joe Biden a prévalu sur les candidats qui soutenaient de grands changements pour le tribunal, dont l’ancien maire de South Bend, en Indiana, Pete Buttigieg, qui était en faveur d’un tribunal de 15 juges.
Hope Yen et Mark Sherman, The Associated Press