WASHINGTON — Le démocrate Joe Biden ne s’en cache pas: s’il est élu président, il tentera de réduire l’augmentation des dépenses consacrées aux armes nucléaires par Donald Trump. Et même si l’ancien vice-président n’a pas encore entièrement détaillé ses intentions, il compte amenuiser la dépendance des États-Unis envers les armes les plus meurtrières du monde.
La position des deux candidats concernant l’arsenal nucléaire est particulièrement importante dans le cadre de cette élection, puisque les États-Unis sont à réfléchir à l’avenir de leurs armes nucléaires et qu’on s’inquiète des progrès russes et chinois dans ce domaine.
Le commandant de l’arsenal nucléaire américain évoque souvent la Chine, dont la petite force nucléaire est de plus en plus sophistiquée, pour expliquer pourquoi les États-Unis devraient tout mettre en oeuvre pour moderniser leurs armes nucléaires.
«Nous entrons dans un monde très différent, a dit le 14 septembre l’amiral Charles Richard, qui dirige le commandement stratégique des États-Unis (U.S. Strategic Command). Pour la première fois de notre histoire, nous pourrions affronter deux rivaux ayant des capacités nucléaires.»
Il faisait référence à la Russie, une rivale nucléaire de longue date, et à la Chine, dont les leaders, selon lui, ont mis le développement stratégique nucléaire au sommet de leur liste de choses à faire.
Quelques jours plus tard, l’amiral Richard a prévenu que la Chine pourrait être en mesure de rivaliser avec les États-Unis «d’ici la fin de la décennie, et peut-être avant». D’autres prévoient un développement plus modeste. Le Pentagone a récemment prédit que Pékin pourrait doubler son arsenal nucléaire d’ici dix ans, ce qui laisserait la Chine toujours loin derrière les États-Unis.
M. Trump est arrivé à la Maison-Blanche en 2017 avec peu de choses à dire au sujet des armes nucléaires. Un an plus tard, son administration a accouché d’un document qui, selon elle, suivait dans les traces de l’administration Obama. M. Trump a toutefois ajouté deux types d’armes et gonflé le budget pour revoir en détail l’arsenal nucléaire — une révision que M. Biden juge excessive.
«Notre (arsenal nucléaire) est actuellement dans son meilleur état depuis des décennies», a dit le président ce mois-ci, même si l’armée affirme que les principales composantes ont un besoin urgent d’être remplacées.
Le président Trump a décrit en des termes vagues et parfois incompréhensibles les progrès nucléaires américains, disant par exemple au journaliste Bob Woodward en 2019 que les États-Unis ont construit une arme nucléaire secrète dont les Chinois et les Russes ne savent rien.
M. Trump devrait poursuivre cette modernisation de l’arsenal nucléaire s’il est réélu. Sa stratégie concernant le contrôle des armes est moins claire, notamment en ce qui concerne l’arsenal nord-coréen qui échappe à toute supervision. Son administration a déjà mis fin à une entente de contrôle des armes avec la Russie; elle a aussi refusé de prolonger un traité stratégique nucléaire avec la Russie signé par M. Obama et que M. Biden préserverait.
James Acton, un expert nucléaire du Carnegie Endowment, explique que les instincts nucléaires de M. Biden sont plus libéraux que l’establishment militaire de son parti. Cela ne veut toutefois pas dire qu’il chamboulerait la politique nucléaire américaine.
«Dans les faits, il y a souvent des pressions pour préserver le statu quo», a dit M. Acton.
M. Biden est d’avis que les armes nucléaires devraient jouer un rôle plus modeste en matière de défense et que l’objectif ultime devrait être un monde libre de ces armes. Il n’a pas détaillé comment il y parviendrait, mais il a donné des indices.
Il a ainsi dit qu’il s’oppose à la décision de l’administration Trump de développer et de déployer deux types de missiles munis d’ogives moins puissantes. Un des deux missiles n’est pas encore sur le terrain, mais la marine utilise l’autre depuis l’an dernier.
«Mauvaise idée», a dit M. Biden en juillet 2019. Avoir ces armes rend les États-Unis «plus susceptibles de les utiliser», a-t-il ajouté.
Pendant la campagne, M. Biden a adopté ce que les experts appellent la «politique du non-recours en premier à l’arme nucléaire». Autrement dit, de ne pas être à l’origine d’un affrontement nucléaire et de ne pas être le premier à utiliser une arme nucléaire. Les États-Unis se réservent depuis longtemps le droit de tirer en premier, sous prétexte que cela réduit le risque d’une attaque.
M. Obama avait envisagé cette politique, avant d’y renoncer.
La campagne Biden explique sur son site internet que «la seule utilité de l’arsenal nucléaire américain devrait être de décourager — et si nécessaire, de riposter à — une attaque nucléaire. En tant que président, (M. Biden) travaillera à mettre cela en pratique, en consultation avec nos alliés et l’armée.»
Certains croient que M. Biden abandonnerait un projet de 85 milliards $ US qui cherche à développer une nouvelle force de missiles balistiques intercontinentaux pour remplacer la flotte de missiles Minuteman 3 déployée dans les années 1970.
Une analyste militaire de l’Institut Lexington, Loren Thompson, croit plutôt que M. Biden laisserait ce programme en place.
«Joe Biden est un centriste de sens commun qui respecte l’avis des experts, a-t-elle récemment écrit. Peu ou pas d’experts de l’establishment nucléaire du pays croient que la disparition des missiles balistiques intercontinentaux augmenterait notre sécurité.»
Robert Burns, The Associated Press