WASHINGTON — Quand on lui demande d’expliquer les assurances trompeuses qu’il a présentées aux Américains au sujet de la pandémie de coronavirus, le président Donald Trump répond qu’il s’est inspiré de la stratégie de Winston Churchill qui a cherché à rassurer la population en période de grand péril.
Mais ce n’est pas exactement comme ça que ça s’est passé.
M. Churchill n’a jamais dit aux Britanniques que la menace nazie était «sous contrôle», ou encore qu’elle «disparaîtrait comme par miracle», pour reprendre les paroles de M. Trump au sujet du coronavirus.
Le premier ministre britannique a propagé la peur aussi bien que la détermination quand il a demandé aux Britanniques de s’unir contre cet «appareil hideux d’agression» qui a réduit en esclavage de vastes portions de l’Europe et «se retournera bientôt contre nous».
Les propos de M. Trump concernant la pandémie sont bourrés de désinformation depuis le début. Mais dans «Rage», le nouveau livre du journaliste Bob Woodward, M. Trump reconnaît avoir volontairement déformé les faits pour minimiser la menace que présentait la COVID-19, aux Américains en général et aux jeunes en particulier, même s’il savait que c’était faux. Le président se justifie en disant qu’il cherchait à éviter la panique.
Lors d’une visite au Michigan il y a quelques jours, M. Trump a lancé à ses partisans que M. Churchill, pendant que les Allemands bombardaient Londres, «a toujours parlé calmement. Il disait, ‘il faut montrer du calme’».
Puis, un peu plus tard: «Comme le gouvernement britannique l’a dit pendant la Deuxième Guerre mondiale, ‘Restez calmes et continuez à faire vos affaires’ (Keep calm and carry on). C’est ce que j’ai fait.»
Sauf que les historiens ne sont pas d’accord.
«Churchill comprenait que la candeur est essentielle pendant une crise, a dit sur Twitter Erik Larson, qui a écrit une histoire de Churchill et des Britanniques pendant le Blitz. Il n’a pas enrobé la menace allemande de sucre.»
Un autre historien, Jon Meacham, a répliqué à M. Trump sur Twitter avec une autre citation de M. Churchill, qui rappelait que «le peuple britannique peut affronter n’importe quel malheur» tant qu’il est convaincu que ceux au pouvoir «ne le trompent pas» ou ne se cachent pas dans un «paradis artificiel».
Quant au slogan «Keep calm and carry on», on le trouvait sur des affiches britanniques avant la guerre, mais il n’a jamais été très populaire et les affiches ont rapidement été retirées.
Lors de sa première allocution sur les ondes de la BBC en tant que premier ministre en mai 1940, M. Churchill a décrit, dans des détails à glacer le sang, l’avance inexorable des blindés et des soldats allemands en France, et prévenu qu’il serait ridicule de «camoufler la gravité du moment».
Il a ajouté que «cet appareil hideux d’agression qui a réduit les Pays-Bas en ruines et en esclavage en quelques jours se retournera bientôt contre nous. Je suis certain que je parle au nom de tous quand je dis que nous sommes prêts à l’affronter; à l’endurer». Le blitzkrieg a été lancé en septembre.
Au moment où M. Trump minimisait la dangerosité de la pandémie en public, il racontait à M. Woodward savoir que le virus était plus mortel que la grippe saisonnière, qu’il était frappé par la facilité avec laquelle il se propageait et que «plusieurs jeunes» étaient infectés.
«Je voulais minimiser la crise, a-t-il dit à M. Woodward en mars. Je continue à tout minimiser. Parce que je ne veux pas créer de panique.»
Hope Yen et Calvin Woodward, The Associated Press