Le froid nous réchauffe
Fait frette. Depuis une coupe de jours, les narines nous collent, les doigts nous crispent et les oreilles nous brûlent. Imaginez être sur une terrasse, un beau soleil chaud, une p’tite brise…
OK j’arrête, c’est pas cool.
Ç’a quelque chose de particulier, le froid. Ça nous rapproche. On se colle plus dans le lit. Tsé là, ton lit douillet et chaud où tu te trouvais y’a pas si longtemps… Voyons moi, je feele ben baveux! Admettez, une cuillère hivernale, c’est un doux plaisir. Y’a juste dans les pays froids qu’on connaît vraiment cette sensation particulière de sentir la chaleur de l’autre, et de lui donner la nôtre en retour. Un paradis qui dure jusqu’à ce qu’on fasse le saut quand ses pieds gelés nous touchent les mollets. Quand il fait chaud, c’est plus : «Touche-moé pas. DÉCOLLE! J’ai chaud!»
Une grosse chaleur lourde qui écrase, ça te mine le moral. Les complaintes sont différentes dans l’extrême chaleur que dans l’extrême froideur. Quand il fait vraiment chaud, on a un ton de martyr écrasé par un crucifix. Nos complaintes sont lentes, étirées :
«Pfff… man… fait chaud.» Mais quand il fait froid, on est plus high. C’est une ptite plainte rapide, puis après on passe à autre chose. «Maudit qu’y fait frette! As-tu vu mon crayon rouge?»
Le froid nous rend surtout plus accueillants. Quand y fait froid et qu’on entre quelque part, on a,
en général, un accueil respectueux. Pas respectueux genre japonais qui s’incline. Plus genre : «Oh, t’arrives de dehors! Respect!» Comme si dehors était la guerre ou un endroit rempli de bestioles. «T’as marché 15 minutes! 15 MINUTES! Dans ce froid?» Hôtel, dépanneur, chez des amis, quand on te voit entrer, tu sens que t’es toujours à deux doigts gelés de te voir offrir une couverture et un bol de soupe.
Y’a de l’amour dans le froid. Si tu vois ton chum, ta blonde, quelqu’un que t’aimes sur le point de sortir peu couvert, tu réagis : «Mon Dieu, tu vas avoir froid! Tiens, prends mes mitaines, elles sont plus chaudes.» Quand il fait chaud, si ça arrive que quelqu’un sorte dehors avec un chandail un peu épais, c’est autre chose. C’est plus du mépris sympathique et on passe à autre chose: «Shit, tu vas avoir chaud. As-tu vu mon crayon rouge?»
Il est temps que j’achève ma chronique, je commence à avoir froid aux pieds. J’écris dans ma chambre d’hôtel en Abitibi, là où le frette est pimpé à méga frette, et donc, où la chaleur humaine est méga chaleureuse. Je vous le dis, dans le froid, y’a quelque chose de beau, y’a quelque chose de chaud.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.