Placoter sur le monde

Les Galeries St-Hyacinthe. C’est de là que j’écris ce matin. Je suis assis sur une petite table dans la très glamour section des restaurants. Ça sent un mélange de Tiki Ming et de cuir à sacoche. Fabuleux.

La plupart des tables sont occupées par des groupes de p’tits vieux. Je dis p’tits vieux sansque cela soit péjoratif. Un p’tit vieux, c’est juste plus vieux qu’un vieux. Comme frette est plus froid que froid. Je les regarde jaser, ou plutôt placoter. C’est important de préciser, un p’tit vieux, ça placote. De quoi placotent- t-ils? Je sais pas. Mais j’imagine.

Premièrement, en comparaison d’une table de jeunes, ils ne refont sûrement pas le monde. À cet âge vénérable, quand ça placote, ça refait plus leur vie. Ça se raconte la fois où, dans le temps que, peut-être un peu d’aujourd’hui, de : «Les étudiants ont-tu repris leurs cours?», qui n’est en fait qu’un interlude avant un retour à un : «Ça me rappelle en 1957…»

Les p’tites vieilles. Qu’est-ce qu’elles pensent de Pauline? Elles qui ont connu l’humiliation, le rabaissement de ne pas avoir le droit de voter. Puis, ce 4 septembre 2012, cadeau! Une femme première ministre du Québec! Interlude : la prochaine fois qu’il nous montera un p’tit buzz de mépris sur des peuples «moins» évolués socialement, rappelons-nous que des femmes qui ne pouvaient pas voter ici sont encore vivantes. Fin de l’interlude.

Est-ce qu’ils ont été troublés par la déclaration politique raciale du tueur? «Les Anglais se lèvent». On le sait, c’était un fou.

Mais je ne peux pas m’empêcher de trouver sa déclaration assez ironique quand on pense que ce sont en grande partie des anglophones qui nous ont dit non les deux fois qu’on a voulu se lever. Ils se sentaient écrasés? C’est assez dur piler sur le monde quand on est assis. En tout cas, me semble.

Parfois, on dirait qu’il y en a qui mélangent dominer et exister. On veut juste exister. Je nous vois pas partir au Manitoba avec notre fameuse armée invisible mettre des Belle Province à tous les deux coins de rue.

By the way, English Quebecers are welcome in the project of building a twenty-first century country. You know, with care of the environment, nationalised ressources, free education, etc.

Ce n’est pas juste une affaire de langue. C’est la bouche, le nez, la face au complet.

Il est 11 h. Les vieux se lèvent. Leur matinée est passée. Ils vont chez eux dîner. Puis, peut-être qu’après midi, ils vont jouer à la pétanque ou faire une sieste. Ils vont continuer leur vie, ou ce qu’il en reste, pendant qu’on construit notre pays, pendant
qu’il nous en reste.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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