Avant les bouteilles de champagne sur le podium, les commanditaires, les millions et la vie de jet-set, il y a le karting.
Il faut bien commencer quelque part. Et ce quelque part, pour les jeunes amateurs de sport motorisé, c’est le karting. Un passage obligé et très formateur avant de pouvoir rêver de F1, de NASCAR ou d’IndyCar.
«M. et Mme Tout-le-monde peuvent amener leurs enfants à commencer le karting assez facilement», explique Robert Foteas, directeur général de Karting Québec, l’organisme qui régit la pratique du sport dans la province. «Ce sport ne requiert pas nécessairement de grosses infrastructures comme une remorque ou un gros garage. On peut donc développer le talent des jeunes même si on n’a pas de moyens financiers extraordinaires.»
Cela ne signifie pas pour autant que le karting est à la portée de tous. Les parents d’un jeune ayant la piqûre devront débourser environ 3500$ pour l’équipement, selon M. Foteas. Cette somme permet notamment de se procurer un kart d’occasion ainsi qu’un casque et une combinaison de course.
«Nous n’avions pas de fortune familiale, mais mon père était mécanicien. Il pouvait donc faire les réparations», raconte Alex Tagliani, qui a longtemps piloté en kart avant de faire sa place chez les professionnels. «Mon père a aussi ouvert une petite entreprise de go-kart. Le revenu en extra qu’il empochait, il pouvait le dépenser pour moi en karting.»
Une fois équipé, le Gilles Villeneuve en herbe ne sera pas plongé immédiatement dans un univers de compétition. «Chez les moins de 11 ans, nous n’organisons que des courses amicales, dit M. Foteas. Il n’y a pas de titre de champion du Québec à ces âges. Ça ne donne rien pour les jeunes. On les brûle et il n’y en a que 1 sur 10 qui risque de passer au travers. Ce n’est pas une bonne façon de bâtir une relève. Quand ils sont plus mûrs, à 13, 14 ou 15 ans, ils sont capables d’aller aux courses.»
Le karting permet d’accumuler de l’expérience derrière un volant. Mais surtout, la pratique de ce sport aide considérablement à aiguiser les aptitudes de pilotage. «Le karting développe les sensations physiques qu’on ressent au volant, affirme M. Foteas. Le pilote devient ainsi capable de pousser le véhicule à ses limites tout en le gardant sur la piste. Ça permet de faire corps avec le bolide.»
Comme dans n’importe quel sport de compétition, des investissements de temps, d’argent et d’efforts ne garantissent pas une carrière professionnelle. Après tout, rares sont les jeunes joueurs de hockey participants à maints camps de perfectionnement à se tailler une place dans la LNH. La réalité est peut-être encore plus cruelle dans le sport automobile, une activité où l’épaisseur du portefeuille est aussi importante que le talent. Toutefois, cela ne devrait pas refroidir les ardeurs des familles qui ont envie de vivre l’expérience et qui en ont les moyens. «Ce n’est pas parce qu’une place en F1 n’est pas réaliste que les parents devraient se priver de faire quelque chose d’exceptionnel avec leur enfant», dit M. Foteas.
L’Europe, un passage obligé
Dans les années 1990, Jacques Villeneuve s’est taillé une place en F1 après un passage remarqué en IndyCar. Ce genre de parcours serait presque impensable aujourd’hui.
«Il faut aller en Europe, on n’a pas le choix», affirme Bertrand Houle, expert en course automobile et analyste F1 à RDS. «Il y a très longtemps qu’un pilote est sorti de l’IndyCar pour se rendre en F1.»
Le parcours européen est celui qu’a notamment emprunté Lance Stroll, maintenant pilote dans l’écurie Williams. Dès l’âge de 12 ans, le Québécois s’est exilé en Suisse pour poursuivre son apprentissage en karting.
«Cela prend beaucoup de passion et beaucoup de sous pour aller en Europe et tenter de se faire remarquer.» – Bertrand Houle, analyste F1 à RDS
Il a ensuite fait le saut en Formule 4, un championnat national. Peu après, ce fut le Formule 3 européenne, dont il est devenu le plus jeune champion. «Il y en a certains qui sautent directement de la Formule 3 à la F1, comme Stroll et Max Verstappen, explique M. Houle. Il faut être très talentueux et avoir une occasion qui se présente pour y arriver.»
D’habitude, les pilotes continuent d’accumuler de l’expérience en Formule 2 (anciennement GP2) avant de débarquer dans les ligues majeures. S’ils y arrivent. Ce fut le cas de pilotes comme Lewis Hamilton et Nico Rosberg, qui ont tous deux déjà été sacrés champions du monde.
Le moyen le plus efficace pour un jeune pilote de se tailler une place dans la série la plus prestigieuse du monde est d’être invité dans la filière d’une écurie de F1. «Les filières placent leurs pilotes dans les meilleures équipes [de séries mineures], indique l’analyste. Par exemple, l’équipe ART est une des meilleures en Formule 2 et en Formule 3, et Mercedes y envoie ses pilotes. C’est très difficile pour ceux qui n’ont pas de tels appuis.»
Dans certains pays, les pilotes peuvent compter sur l’appui de commanditaires pour les hisser vers les plus hautes sphères de la course automobile. «Les Brésiliens ont souvent un commanditaire personnel qui les emmène en Europe, parfois jusqu’en F1. C’est ce qui est notamment arrivé à Felipe Nasr [pilote pour Sauber en 2015 et en 2016]», raconte M. Houle.
La filière Player’s a tenu ce rôle chez nous jusqu’à l’interdiction, pour les entreprises de tabac, de commanditer des activités publiques. Depuis, personne n’a pris la relève.