Vivre ensemble

Encore tabou d’être queer

CHRONIQUE – On aime s’imaginer que la société québécoise est tolérante et que les problèmes vécus par la communauté LGBTQ sont chose du passé.

Bien sûr, on a fait beaucoup de chemin depuis l’époque où les policiers débarquaient dans les bars pour couper court aux fêtes jugées trop délurées. On peut se marier, on peut être reconnus légalement comme parents et, depuis 2017, il est illégal au Canada de discriminer une personne en vertu de son identité de genre. Peu de gens saisissent encore la portée de cette loi. Techniquement, elle implique qu’une école ne pourrait pas, par exemple, imposer un uniforme spécifique aux garçons et un autre aux filles. Mais on commence à peine à parler d’uniformes non genrés.

Toutes ces mesures législatives – et bien d’autres – ont visé, au fil du temps, à ce que les personnes de la diversité sexuelle et de genre soient jugées sur un pied d’égalité avec le reste de la population. Pas simplement tolérées: ÉGALES. Selon cette conception, il n’y a pas une orientation sexuelle meilleure ou idéale, même chose pour l’identité et l’expression de genre. Pourtant, c’est loin d’être le cas dans l’esprit de tous. Pour plusieurs, il y a définitivement un idéal. Surtout quand il s’agit des enfants. Certains parents redoutent encore que leur enfant échappe à la norme. Leur crainte se révèle lorsqu’il est question d’aborder la diversité dans les œuvres pour enfants.

Cette année, le film Buzz Lightyear, dans lequel on peut voir une scène de baiser entre deux femmes qui a été sauvée in extrémis de la censure aux États-Unis, a été interdit dans 14 pays. On aime pointer du doigt qu’il s’agit de pays lointains. Mais chez nous, à Montréal, une bibliothèque a fait l’objet de nombreux commentaires intolérants en réaction à l’activité L’Heure du conte avec la drag queen Barbada.

«On pousse les enfants à penser que l’hétérosexualité, c’est pas cool. C’est très triste. J’imagine que ce sont les wokes qui poussent pour ça. Les enfants sont trop jeunes et ne devraient pas penser à la sexualité à un si jeune âge», écrivait en commentaire une personne dont l’avatar était marqué de la mention: «Aimez-vous, respectez les autres». «C’est mal à tous les niveaux», écrivait une autre. «Wow! Débile votre jugement d’avoir embauché ça», poursuivait un monsieur. «Bel exemple pour les enfants», disait un autre. «Ce n’est pas normal! Après il faut expliquer c’est quoi une drag queen à des enfants de 5 ans!»

Visiblement, ce sont plutôt les adultes qui semblent avoir besoin d’explications! Pour les enfants, Barbada est un personnage coloré qui partage sa passion pour la lecture à travers des histoires qui mettent en valeur l’ouverture et l’acceptation. Si l’hétérosexualité n’était pas considérée comme supérieure, pourquoi aurions-nous si peur que ce qui dévie de cette norme soit présenté aux enfants? Pourquoi c’est correct que Mickey et Minnie s’embrassent, mais problématique que Tango ait deux papas? Parce qu’il y a encore du chemin à faire pour que certaines personnes appréhendent la diversité sexuelle et de genre comme une banalité.

Des employés de la bibliothèque ont été menacés. La police a dû être présente à l’événement. Dites-moi encore, comme l’a fait un chroniqueur bien de chez nous cette semaine, qu’on vit dans une société qui méprise la masculinité hégémonique et les valeurs traditionnelles au profit d’identités fluides et autres délires idéologiques.

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