Les cours en ligne jumelés au manque d’interactions sociales peuvent peser lourd sur la santé mentale de certains universitaires et même les amener à décrocher.
C’est en septembre 2020 que Nicolas Robert, alors étudiant au baccalauréat en communication marketing à l’UQAM, a fait le choix de quitter l’école.
« À mes yeux, l’université c’était quelque chose d’humain. J’y allais pour l’expérience, pour être avec les gens, je voyais ça comme une expérience humaine. Vu que ce n’était plus le cas, j’ai pris la décision de décrocher du bac », explique le jeune homme de 24 ans.
Le cotitulaire de la Chaire Réseau jeunesse de l’INRS, Sylvain Bourdon, indique que l’enseignement à distance a un impact sur le décrochage, même en milieu universitaire.
« C’est sûr que l’on compte sur le fait que les étudiants universitaires sont plus autonomes, mais pas tant que ça. Il y a quand même une charge cognitive qui est beaucoup plus grande dans l’apprentissage en ligne », souligne le professeur à l’Université Sherbrooke.
Passer des heures devant un ordinateur
Même s’il était à sa dernière année de baccalauréat, Nicolas Robert n’a pas envisagé l’option des cours en ligne. « Ce n’était pas quelque chose pour moi qui représentait un parcours universitaire enrichissant », mentionne-t-il.
En effet, passer des heures devant un ordinateur n’attire pas du tout celui qui travaille aujourd’hui dans sa propre boîte de production vidéo. Et il n’est pas seul !
D’ailleurs, cette nouvelle réalité pèse lourd sur la santé mentale de Gabrielle Desmeules, étudiante de troisième année au baccalauréat en écriture de scénario et création littéraire à l’Université de Montréal.
Depuis la rentrée en septembre 2020, la jeune femme de 21 ans consulte régulièrement une psychologue.
Le stress est tellement immense que l’étudiante a recommencé à faire des crises de panique et d’anxiété. « Je suis quelqu’un qui, d’habitude, a beaucoup de facilité à l’école, mais ça a été ma fin de session la plus difficile », raconte-t-elle.
En fait, sans l’aide financière de ses parents pour payer ses études, l’étudiante aurait déjà décroché puisqu’elle travaillait en restauration avant la pandémie.
«Ce qui est difficile sur la santé mentale, c’est vraiment la charge de travail. Vu que c’est en ligne, on dirait que beaucoup de professeurs pensent qu’on a plus de temps. La charge de travail est vraiment énorme.» – Gabrielle Desmeules, étudiante au baccalauréat en écriture de scénario et création littéraire à l’Université de Montréal
Manque d’interactions sociales
Gabrielle Desmeules ajoute que le manque d’interactions sociales est aussi nocif pour sa santé mentale. « On n’a plus vraiment de contact avec les autres étudiants et c’est assez difficile », émet-elle.
En effet, les étudiants universitaires ont besoin d’avoir des contacts sociaux, mentionne Sylvain Bourdon. « Le manque de socialisation et d’entraide est important, observe-t-il. Quand on suit une formation, on y va aussi pour voir nos amis, surtout au secondaire, mais aussi au collégial et à l’université. »
Le professeur ajoute que les enjeux d’isolement sont encore plus considérables pour les étudiants universitaires de première génération et ceux qui commencent leurs études universitaires.
« La socialisation se fait beaucoup en côtoyant d’autres personnes, mais là, on est tenu à distance d’un milieu qu’on a jamais fréquenté et que notre famille ne connaît pas nécessairement non plus. Je crains des difficultés importantes, mais on n’a pas beaucoup de données à ce sujet », souligne M. Bourdon.
C’est aussi l’avis de Nicolas Robert. « Je pense surtout à ceux qui ont dû faire leur entrée à l’université dans ce contexte. Ils manquent de beaucoup de choses. Je ne le souhaite à personne », dit-il.
Même son de cloche du côté de Gabrielle Desmeules dont la petite sœur a commencé l’université l’automne dernier. « Il y a vraiment un gros clash parce qu’elle n’a pas de repères, dit-elle. Tu arrives à l’université et tu n’as pas toutes les ressources que tu as d’habitude quand tu es en présentiel. »
Qualité pédagogique et valeur du diplôme
Par ailleurs, l’enseignement à distance diminue la qualité pédagogique des cours, estime le professeur au Département d’éducation et formation spécialisées de l’UQAM, Éric Dion. « Il y a une raison pour laquelle on fait habituellement les cours en présence, indique-t-il. C’est parce que ça facilite les échanges, les étudiants sont beaucoup plus portés à poser des questions. »
Les professeurs Dion et Bourdon confient qu’ils n’arrivent pas à donner « 100 % du cours. » Ils sont satisfaits s’ils arrivent à en donner 80 %.
D’ailleurs, plusieurs étudiants ont des inquiétudes quant à la dévalorisation de leur diplôme, explique Sylvain Bourdon. « Il y a ce sentiment chez les personnes qui se projettent dans le futur et qui se demandent s’ils vont arriver avec tous les outils sur le marché du travail », précise-t-il.
Selon Éric Dion, la plupart des étudiants sont tout de même heureux de recevoir des cours en ligne. « Ce que j’ai vu à date, c’est que les étudiants n’ont pas l’air de souffrir particulièrement de la situation. Même que certains aiment ça parce que c’est évident que c’est très pratique », souligne M. Dion.