Nouvelle visibilité, nouveaux défis pour les personnes transgenres
Dans les 20 dernières années, la visibilité médiatique des personnes transgenres n’a cessé d’augmenter, apportant certains bienfaits à la communauté trans, mais aussi sa part de nouveaux défis.
Si on peut voir davantage de personnes trans à la télévision, dans des articles de journaux ou sur la première page des magazines, cela ne signifie pas pour autant que leurs conditions de vie sont meilleures.
La bioéthicienne transféminine et étudiante au doctorat à la Faculté de droit et au Centre conjoint de bioéthique de l’Université de Toronto Florence Ashley déplore une «amnésie collective» lorsqu’il est question du mouvement pour les droits des personnes trans.
«Les débats qu’on a aujourd’hui sur les enjeux trans, ce sont les mêmes qu’on a eus 40 millions de fois avant», fait-ille valoir.
Montée de l’intérêt médiatique
Florence Ashley remarque une montée de l’intérêt journalistique pour les enjeux trans dans les dernières années. Ille lie cela aux mouvements conservateurs religieux qui redirigent leurs efforts vers la lutte contre les droits des personnes transgenres.
Même son de cloche du côté de l’activiste en droits trans du Centre de lutte contre l’oppression des genres, Celeste Trianon.
Elle cite en exemple l’explosion de la visibilité de la cause des personnes transgenres à la suite du dépôt d’un projet de loi transphobe adopté en 2016 en Caroline du Nord. Ce dernier interdit aux personnes trans d’utiliser les toilettes qui correspondent à leur identité de genre si leur changement d’état civil n’a pas été effectué.
La visibilité, mais à quel prix?
Or, l’augmentation de la visibilité des personnes transgenres ne se traduit pas nécessairement par plus de «réussites activistes», précise Florence Ashley.
En effet, cela n’a pas mené à des impacts positifs concrets sur le quotidien de la communauté trans, comme une diminution de la discrimination à l’emploi, une baisse du harcèlement ou encore une augmentation du financement des organismes communautaires œuvrant auprès d’elle.
Au contraire, cela a contribué à une «certaine polarisation et à une montée de la transphobie de plus en plus ouverte», pensent les deux intervenantes consultées par Métro.
«Il y a de plus en plus de personnes qui sont prêtes à accepter les personnes trans, mais il y a aussi de plus en plus de personnes qui ont une haine violente envers les personnes trans. Cette haine violente a un effet négatif beaucoup plus grand sur les personnes trans que le contraire a d’effets positifs», explique Florence Ashley.
Cependant, le fait de normaliser la transidentité a permis à plusieurs personnes trans de s’accepter telles qu’elles sont et d’appartenir à une communauté, conviennent les militantes.
Encore du chemin à faire
Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que les personnes issues de la communauté trans soient égales aux personnes cisgenres dans la société occidentale.
Il suffit de regarder le projet de loi 2 proposé tout récemment par le gouvernement du Québec et dont certains aspects sont jugés transphobes par plusieurs. Par exemple, l’exigence d’une opération pour modifier la mention de sexe sur l’acte de naissance.
Si Québec assure qu’il rectifiera le tir, Florence Ashley et Celeste Trianon n’ont pas confiance. Elles rappellent que la Coalition avenir Québec (CAQ) a rejeté une motion qui lui demandait de déposer ses amendements avant d’appeler les groupes aux consultations particulières sur le projet de loi.
Florence Ashley va même jusqu’à dire que l’approche aurait été différente et davantage axée sur les demandes des communautés trans il y a 20 ans. «C’est justement dû au fait qu’il n’y avait pas autant cette polarisation-là, qui a un effet sur le climat politique et sur l’aspect consultatif aujourd’hui», spécule-t-ille.