Transition énergétique: «La prochaine décennie sera déterminante»
Les 10 prochaines années pourraient être décisives pour l’économie canadienne si des investissements majeurs ne sont pas réalisés, constate l’Institut canadien pour des choix climatiques dans un rapport intitulé «Ça passe ou ça casse: Transformer l’économie canadienne pour un monde sobre en carbone», publié jeudi.
L’institut fait remarquer qu’au Canada près de 70% des exportations et plus de 800 000 emplois sont liés à des secteurs de l’économie vulnérables à la transition, tels que les secteurs pétrolier et gazier, l’exploitation minière, les industries lourdes et la fabrication automobile. En proportion, c’est l’Alberta qui compte le plus de travailleurs dans ces secteurs vulnérables mais en nombre, c’est l’Ontario. Au Québec, seuls 4,3% des travailleurs sont dans ces secteurs à risque.
«Plusieurs entreprises ne sont pas prêtes et ce que l’on va mettre en place va tout déterminer. On a plus à perdre d’une transition trop lente qu’un transition rapide. Les entreprises aux prises avec des secteurs en baisse de demande doivent se transformer en s’orientant vers de nouvelles branches», explique l’associé de recherche principal, Renaud Gignac. L’Alberta, dont les secteurs gaziers et pétrolier perdraient respectivement 67% et 99% de rentabilité d’ici 2050, peut s’adapter. «Les compétences développées dans ces secteurs peuvent se transférer vers la géothermie ou l’hydrogène», poursuit M. Gignac.
Cependant, la tendance mondiale est encourageante puisque 60 pays ont annoncé des cibles de carboneutralité, ce qui représente 70% du produit intérieur brut (PIB), 70 % de la demande mondiale en pétrole et 55% de celle de gaz naturel. L’institut recommande d’ailleurs aux deux paliers de gouvernement de modifier leur vision actuelle et leurs décisions jugées «à court terme».
Les gouvernements [provinciaux] canadiens peuvent et doivent employer un éventail d’outils stratégiques pour faciliter la transition, améliorer les politiques, rassurer les marchés et assurer la compétitivité à long terme. Ils n’y arriveront toutefois pas sans une transformation fondamentale de la prise de décision.
Rapport de l’Institut canadien pour des choix climatiques
De plus, des efforts sont à réaliser sur les investissements publics ou la mise en place d’incitatifs fiscaux afin de diriger les investissements vers la bonne voie.
L’appui gouvernemental devrait viser à mobiliser des investissements privés dans les secteurs où la demande sera forte durant la transition (l’énergie et les technologies propres, par exemple) et s’éloigner de secteurs qui connaîtront une baisse de la demande mondiale (comme le charbon et le pétrole).
Rapport de l’Institut canadien pour des choix climatiques
Soutenir la demande
Dans le cadre d’une transition énergétique, les secteurs prometteurs peuvent subir des variations de demande et ainsi voir les investissements freiner. Le rôle des gouvernants semble majeur pour montrer l’exemple. L’une des pistes de solutions concerne les appels d’offres. «L’inclusion de critères de technologies propres dans les appels d’offres […] est une solution très intéressante et prometteuse pour soutenir la demande de technologies propres, qui est variable. L’état a un rôle a jouer», explique Renaud Gignac. La fixation de la taxe carbone à 170$ la tonne en 2030 est aussi un signal fort, ajoute-t-il.
Stimuler les marchés avec de bons indicateurs
Il existe des avancées à réaliser au niveau des marchés financiers et celles-ci pourraient stimuler l’investissement. En effet, le rapport indique que les informations données ne permettent pas aux investisseurs de «placer du capital au bon endroit». D’ailleurs dans le cadre de leur simulation liée aux marchés financiers, les chercheurs ont démontré que la Bourse de Toronto subissait davantage de pertes de capitalisation que d’autres places financières du monde.
«Ce qui signifie que l’économie canadienne est plus à risque dans un contexte de transition par rapport à d’autres économies. Il existe une mosaïque d’indicateurs mais ceux-ci manquent d’uniformité. Cela empêche les investisseurs de savoir quelles entreprises sont réellement prêtes à la transition», indique M. Gignac.
Québec, fer de lance de la transition
«Le Québec est bien positionné pour la transition, l’hydroélectricité est un avantage considérable. Elle permet aux entreprises d’avoir une empreinte carbone plus réduite. D’autres secteurs sont prometteurs comme ceux des batteries électriques ou de l’hydrogène propre. L’économie du Québec est bien positionnée, mais il existe des secteurs vulnérables comme le domaine minier. Même si cela concerne des minerais dont la demande va augmenter, le secteur est fortement émetteur. Il y a des opportunités à saisir en terme de décarbonisation», précise M. Gignac.
Métro a sollicité des commentaires relativement à ce rapport des gouvernements provincial et fédéral. Le ministère de l’Environnement et de lutte contre les changements climatiques et le bureau du premier ministre du Canada, Justin Trudeau, ont dit qu’ils répondraient ultérieurement. «Le MELCC prendra connaissance du rapport et jugera, si pertinent, de rendre publics ses commentaires.»