Des mères mohawks pensent que des corps d’enfants autochtones sont possiblement enterrés sous l’ancien hôpital Royal Victoria. Elles demandent la suspension immédiate du projet de réaffectation du lieu en attendant la tenue d’une enquête.
Le groupe appelé kanien’kehá:ka kahnistensera (mères mohawks) craint que des tombes aient pu être laissées sur le site de l’Institut Allan Memorial, situé tout prêt du projet du «Nouveau Vic» de l’Université McGill, à la suite d’expériences psychiatriques baptisées «MK-Ultra» et menées entre 1954 et 1963.
L’Institut Allan Memorial a été le théâtre des expériences secrètes du psychiatre Dr Donald Ewen Cameron, financées par la Central Intelligence Agency (CIA) et le gouvernement canadien.
Convaincue que les régimes communistes partout dans le monde avaient trouvé une façon de laver le cerveau de sa population pour mieux les contrôler, la CIA a voulu rattraper son retard en mettant sur pied le programme de recherche MK-Ultra.
Des soupçons confirmés par une survivante
Le groupe de femmes mohawks affirme avoir récemment interviewé Lana Ponting, une femme de 80 ans qui dit avoir survécu aux expériences du Dr Ewen Cameron à l’Institut Allan Memorial de McGill alors qu’elle était âgée de 16 ans.
«C’est une des seules qui garde encore des souvenirs de sa présence là-bas. Elle est venue confirmer certains des soupçons qui existaient déjà. Auparavant, c’était des allégations qui existaient sur certains blogues», explique le porte-parole du groupe, Okwaraken.
Selon les informations recueillies par les Mohawks, il y aurait eu de nombreux enfants autochtones à l’Institut et des corps auraient été enterrés autour des locaux, y compris près de la piscine Henry William Morgan.
«Mme Ponting est venue confirmer que des rumeurs existaient déjà à l’époque quand elle était une patiente là-bas. C’était des rumeurs qui circulaient à l’intérieur de l’institut», précise Okwaraken.
Demande de suspension du projet «Nouveau Vic»
Craignant que ces tombes contiennent les restes d’enfants autochtones, le groupe de femmes mohawks exige l’arrêt immédiat du projet de réaffectation de l’hôpital Royal Victoria.
L’Université McGill propose de transformer sa partie du site en un centre de recherche, d’enseignement et d’apprentissage de pointe dédié à la durabilité et aux politiques publiques.
Les mères mohawks réclament que le campus de l’université soit considéré comme une scène de crime. Elles demandent la fermeture du site jusqu’à ce qu’une enquête archéologique et médico-légale menée par les Autochtones détermine la présence de corps sous le sol du bâtiment de psychiatrie.
«Peu probable», selon McGill
De son côté, l’Université McGill se fie à une étude sur le potentiel archéologique datant de 2016, qui a jugé «peu probable» que des restes humains se trouvent sur le site du «Nouveau Vic».
«Toutefois, si tel était le cas, l’information sera rendue publique immédiatement, les travaux seront suspendus et un agent archéologique du ministre de la Culture et des Communications sera alerté (comme le stipule la Loi sur le patrimoine culturel)», souligne la porte-parole Cynthia Lee.
Or, McGill soutient n’avoir «aucune preuve ou information voulant que les expériences menées à l’Institut Allan Memorial dans les années 50 et 60 aient eu un quelconque rapport avec la présence d’Autochtones sur le site».
Okwaraken, porte-parole des mères mohawks, craint que l’Université McGill camoufle des preuves si les travaux de réaffectation se font dans le déni de ce qui s’est passé à l’Institut Allan Memorial dans les années 50-60. «Les tombes anonymes retrouvées près des écoles résidentielles existaient aussi à l’état de rumeurs depuis des années. Et ces rumeurs étaient balayées du revers de la main vu qu’il n’y avait pas de preuves. Il a fallu des fouilles aussi pour en arriver à avoir les preuves», rappelle-t-il.
Au sujet de l’étude archéologique de 2016, Okwaraken doute qu’il y ait eu une recherche sur la question des tombes anonymes en tant que telle.
Par ailleurs, Cynthia Lee ajoute que l’établissement est engagé avec les communautés autochtones, conformément au Groupe de travail du vice-principal exécutif sur les études et l’éducation autochtones, et plus particulièrement dans le cadre de son projet du «Nouveau Vic».
Depuis janvier 2021, plusieurs échanges ont eu lieu, notamment des séances d’information et des tables rondes avec des organismes d’éducation autochtones, des diplômés mohawks et des aînés, précise-t-elle. «Plus d’une douzaine de réunions bilatérales ont eu lieu à ce jour avec des représentants de groupes des Premières Nations afin d’engager et d’impliquer les représentants autochtones dans le projet du Nouveau Vic», mentionne aussi Mme Lee.
Les femmes autochtones ont demandé à rencontrer la chancelière de l’Université McGill, Suzanne Fortin, ainsi que l’Office de consultation publique de Montréal, avec qui elles auront une audience le 10 novembre 2021.