Dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), j’ai eu l’occasion de voir sur deux volets le très touchant Homeland (Iraq Year Zero), de Abbas Fahdel. Cinq heures et demie d’une chronique quotidienne de la vie en Irak avant et après l’invasion américaine de 2003.
On le sait, en 1979, deux semaines après sa mainmise sur le pouvoir, Saddam Hussein a ordonné une purge directement à la télé irakienne. Ce dictateur a plongé l’Irak dans la psychose et deux guerres insensées contre l’Iran, de 1980 à 1989, et le Koweït, en 1990, ce qui a déclenché une intervention américaine à la tête d’une coalition internationale en 1991.
On sait que ces guerres et l’atroce embargo international qui a frappé leur pays après la libération du Koweït ont mis à genoux les Irakiens.
On sait aussi que l’invasion injuste de l’Irak par l’Amérique de Bush fils, en 2003, a détruit ce qui restait de ce pays meurtri. Mais, comme l’a dit notre humoriste Yvon Deschamps: «on ne veut pas le savoir, on veut le voir.»
Avec ce film de Abbas Fahdel, on le voit en deux temps. D’abord, en 2002, quelques mois avant l’invasion des Américains, la paupérisation du peuple irakien dépasse l’entendement. Résigné, on voit ce peuple entamer des préparatifs pour faire face à l’enfer, comme la famille du cinéaste, qui creuse un puits dans le jardin, remplit des sacs de pain séché, accumule les provisions ou achète des médicaments.
On voit cette hilarante scène où des filles font des blagues sur la façon de lutter contre une attaque chimique en attachant des couches autour de leur visage. Et que dire de ces gamins qui se préparaient à la guerre? Des mômes!
On voit dans le deuxième volet, après l’invasion, en 2003, comment le processus de radicalisation s’est accéléré chez des Irakiens, jusque-là résilients, même après deux guerres et une décennie d’un embargo infernal.
On voit l’honneur bafoué des petites gens et cette injustice sociale s’installer sous les bottes des Américains. On voit ce sentiment de vengeance envahir un peuple médusé à la vue de ses trésors dilapidés dans l’indifférence totale des nouveaux maîtres de Bagdad.
On voit, chez les Irakiens de tout âge, cette quête de sens grandissante et, surtout, ce besoin de vouloir mettre fin à ce chaos. D’honnêtes citoyens sombraient dans la folie du chagrin et de l’outrage, comme cette mère et ce frère qui ont perdu injustement leur proche tombé sous les balles des Américains, et qui n’ont pas hésité à réclamer vengeance devant la caméra.
On voit cette colère qui gronde chez des citoyens lambda qui parlent de plus en plus d’occupation, d’honneur bafoué et de l’injustice barbare de l’occupant américain. On voit cette grande douleur psychologique et cette quête de sens envahir les gens, afin de trouver le moyen d’en finir avec cette violence abjecte coûte que coûte.
On le savait. Le cinéaste franco-irakien, Abbas Fahdel, nous a permis de le voir!