Leveur de fonds pour Nelson Mandela ou Elton John, Daryl Upsall a toujours parcouru le monde sans penser une seconde à son passeport britannique. Mais alors que le Royaume-uni quitte l’UE vendredi, il mène son «Brexit»: abandonner sa nationalité pour devenir Espagnol.
Ironie du sort, cet homme d’affaires europhile de 59 ans est né dans la capitale du Brexit: Boston, ville de l’est de l’Angleterre où les «Brexiters» ont réalisé leur meilleur score lors du référendum de 2016.
«Très tourné vers l’international et impliqué dans la politique britannique», Daryl Upsall a passé dix ans à Londres à lever des fonds pour l’ANC de Nelson Mandela, la fondation d’Elton John contre le sida ou à écrire des discours pour l’ancien chef du parti travailliste Neil Kinnock.
Il a ensuite quitté son pays en 1993 pour Amsterdam et l’ONG écologiste Greenpeace puis s’est installé à Madrid où il a monté plusieurs entreprises travaillant pour le secteur à but non-lucratif.
«J’avais tous les droits de vivre et de travailler ici, ma femme et mon fils sont espagnols, les entreprises sont espagnoles et le Royaume-uni était européen, donc envisager de prendre la nationalité espagnole ne m’avait jamais traversé l’esprit», dit-il à l’AFP. «Puis le Brexit est arrivé».
Daryl Upsall est l’un des près de 370 000 Britanniques vivant en Espagne, la plus grande communauté britannique d’Europe. Le nombre de candidats à la citoyenneté espagnole est très faible. Mais depuis le Brexit, il est passé de 33 en 2016 à 335 l’an dernier.
Pour Daryl, il s’agit avant tout de garder une identité européenne et d’éviter les complications du Brexit: «Si je vais en Chine ou en Inde, il me faut un visa. En tant que citoyen de l’UE, cela me prend une semaine. Mais qui sait où en sont les négociations (de ces pays non-européens) avec le Royaume-Uni».
Mais obtenir la nationalité espagnole est un véritable chemin de croix qui comporte un questionnaire complexe basé sur des centaines de questions potentielles sur l’histoire et la culture du pays, allant des prix Nobel aux couleurs des drapeaux régionaux.
«C’est devenu un jeu de société pour nous», plaisante Daryl Upsall, qui s’amuse à demander à ses amis «quand la guerre d’indépendance de l’Espagne s’était terminée» et affirme n’avoir «jamais trouvé un Espagnol qui pouvait réussir ce test sans préparation».
Les candidats doivent aussi démontrer leur niveau de langue à l’oral et à l’écrit. S’ils réussissent, le sésame n’est pas garanti, seulement le droit de voir sa demande étudiée.
«J’ai honte que mon pays ait pris cette décision et se soit embourbé dans cette voie», lance l’homme d’affaires qui dit être désormais «gêné d’être britannique».
Sa propre mère, pro-Brexit, a «fondu en larmes» quand il lui a annoncé sa décision de devenir Espagnol. «Elle m’a dit: « Tu ne peux pas ». Je lui ai répondu: « Tu fais partie de ces lecteurs du Daily Mail (quotidien pro-Brexit) qui ont voté pour tout ça, c’est la conséquence de vos actes »».
Avec encore deux ans devant lui avant de pouvoir prétendre à la nationalité espagnole, Daryl Upsall est sûr de son choix. «Ce sera un moment triste», concède-t-il toutefois, «un peu comme la fin d’une ère».