Quatre millions de personnes attendues et un océan de drapeaux arc-en-ciel: New York célèbre cette semaine 50 ans de lutte pour les droits homosexuels, avec dimanche une «World Pride» monstre, témoin de la visibilité de la communauté LGBTQ malgré une homophobie toujours présente.
Concerts, expositions, films, théâtre, conférences: la première métropole américaine marque en grande pompe le 50e anniversaire des émeutes de Stonewall, qui, six jours durant, opposèrent policiers et gays excédés par des années de répression, donnant un nouvel élan au mouvement pour les droits homosexuels, aux États-Unis et dans le monde.
Un an après, en juin 1970, New York organisait sa première Gay Pride, défilé célébrant la communauté gay, qui devait essaimer dans les métropoles du monde entier, malgré une homosexualité toujours réprimée aujourd’hui dans certains pays.
«Ce qu’on a fait, c’est mettre fin à l’invisibilité» de la communauté gay, souligne Mark Segal, 68 ans, qui était à Stonewall en 1969. «Maintenant, les gens savent qui nous sommes (…) On parle de nous dans les journaux, on nous voit à la télévision. On ne peut plus nous effacer».
Graces Jones et Madonna
Le coup d’envoi officiel de la «World Pride» 2019 – 6e édition d’un évènement lancé à Rome en 2000, qui se veut le plus grand rassemblement mondial de la communauté LGBTQ – sera donné mercredi sous la forme d’un concert de bienfaisance à Brooklyn, animé par l’actrice Whoopi Goldberg, avec Cyndi Lauper et Chaka Khan en vedettes.
Suivra vendredi une grande manifestation devant le bar de Stonewall, à Greenwich Village: c’est là, le 28 juin 1969, que des centaines d’homosexuels et transsexuels se rebellèrent contre la police, prélude à six jours d’émeutes.
Outre des concerts d’icônes de la communauté gay comme Grace Jones et Madonna samedi et dimanche, le clou de la semaine sera le défilé géant de la «World Pride» sur la 5e Avenue.
Si la Gay Pride new-yorkaise est chaque année l’une des plus importantes au monde, avec des centaines de milliers de personnes, les autorités ont indiqué attendre cette année «2 à 3 millions de touristes» supplémentaires.
Menaces extrémistes
«Ca va être énorme, ce sera la plus grande Pride de l’histoire», affirme Cathy Renna, porte-parole des organisateurs.
Si ce défilé à l’excentricité légendaire promet d’être un grand évènement touristique, la police sera déployée en force.
Trois ans après la fusillade dans un bar gay d’Orlando, en Floride, qui fit 49 morts, les mouvements extrémistes souvent teintés d’homophobie montent aux États-Unis.
Orlando «nous avait fait réexaminer la protection» de la Gay Pride, soulignait début juin John Miller, responsable antiterroriste de la police new-yorkaise. «Depuis, la menace n’a fait que s’accentuer, avec la menace croissante de l’extrême droite qui peut aussi viser la communauté LGBTQ».
Beaucoup dans la communauté homosexuelle accusent Donald Trump d’avoir contribué à alimenter un climat de haine.
Signe d’inquiétude: un sondage publié lundi par l’institut Harris pour l’association GLAAD de défense des droits LGBTQ indiquait que la proportion d’Américains de 18 à 34 ans, réputés particulièrement tolérants, se disant à l’aise avec les personnes LGBTQ était en baisse, à 45% contre 53% un an plus tôt.
«C’est plus important que jamais d’être là dans le climat politique actuel» et de «célébrer ouvertement et vigoureusement», confie Jessica Inserra, comédienne de 42 ans venue de Los Angeles pour ces festivités.
Gay Pride dévoyée?
La Gay Pride est désormais un spectacle grand public: outre les personnalités politiques, policiers et pompiers qui défilent depuis des années aux côtés d’organisations gays, près de 70 entreprises mondialement connues – de L’Oréal aux magasins Macy’s, en passant par Danone et la banque Morgan Stanley – ont parrainé le défilé cette année, pour un budget total de quelque 12 millions de dollars, selon Cathy Renna.
Un parrainage dénoncé par certains, qui y voient un dévoiement de l’esprit des premières marches des fiertés. Ils organisent dimanche un défilé concurrent, sans célébrités ni sponsors, où ils espèrent des dizaines de milliers de participants.
«La Gay Pride n’est pas à vendre (…), elle a perdu son sens», affirme Bill Dobbs, un des organisateurs de cette marche contestataire.
«Je ne suis pas nostalgique de l’époque où nous n’étions que 5 000, avec le risque de se faire tabasser», fait valoir Cathy Renna, tout en voulant éviter la polémique. «Le fait que 4 millions de personnes soient attendues est pour moi la plus puissante démonstration de force que nous puissions faire».