Les Américains seront conviés aux urnes demain pour les élections de mi-mandat. À l’enjeu: les 435 sièges de la Chambre des représentants, 35 sièges au Sénat et 36 postes de gouverneurs. Le nom de Donald Trump ne sera sur aucun bulletin de vote, mais la personnalité et les politiques du 45e président américain risquent fort d’influencer le résultat du scrutin. Métro vous propose un tour d’horizon des principaux enjeux de ces midterms illustrés par cinq États-clés.
Arizona: les femmes et la critique
Peu de courses sénatoriales sont aussi serrées que celle qui oppose la démocrate Kyrsten Sinema et la républicaine Martha McSally en Arizona, alors que les sondages les placent à égalité statistique. Elles cherchent à occuper le poste que le républicain Jeff Flake laisse vacant.
Ces deux femmes font partie, selon Frédérick Gagnon, titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et directeur de l’Observatoire sur les États-Unis, d’un mouvement d’engagement politique sans précédent des femmes américaines. «On sent qu’il y a quelque chose qui se passe sur le plan identitaire, mais un nombre record de candidatures ne veut pas dire un nombre record de victoires», nuance-t-il.
Et malgré ses propos qualifiés de misogynes, Donald Trump reste dur à critiquer, même pour les femmes républicaines. Désapprouvant M. Trump pour les premiers mois de sa présidence, Mme McSally a changé de ton pour les élections de mi-mandat. «Plus de 85% des électeurs républicains appuient Donald Trump. Pour les candidats, ce n’est pas facile de se détacher du président», affirme M. Gagnon.
Texas: l’immigration
Il en a fait un cheval de bataille lors des élections de 2016 et il récidive en menaçant d’envoyer l’armée contre les caravanes de migrants en provenance d’Amérique centrale: Donald Trump se sert encore de l’immigration pour mobiliser la base républicaine à la veille d’une élection.
Une stratégie à double tranchant, selon Simon Langlois-Bertrand, chargé de cours au Département de sciences politiques de l’Université McGill. «C’est un enjeu complexe qui peut être attaqué des deux côtés.» L’intérêt pour cette question varie aussi grandement d’une région à une autre du pays. «La question de la frontière est importante dans des endroits comme le Texas ou l’Arizona, mais ne domine pas les débats nationaux. Même au Texas, l’immigration ne donne pas un avantage fort à Ted Cruz [sénateur du Texas] contre son opposant démocrate Beto O’Rourke. Il faut prendre avec un grain de sel l’importance de cet enjeu dans des États qui sont très grands et diversifiés.»
Wisconsin: le libre-échange
Les menaces de guerre commerciale du président Trump ont généralement fait pencher la balance du côté des démocrates dans les États frontaliers dont l’économie dépend des échanges avec le Canada ou le Mexique.
Cependant, la signature d’un nouvel accord de libre-échange, l’AÉUMC, le 1er octobre, est venue donner des munitions aux élus républicains de ces régions. C’est le cas du gouverneur du Wisconsin, Scott Walker. «La stratégie de Walker est de mettre l’accent sur le fait que les républicains ont réussi à obtenir un meilleur accord qui aura un impact sur la prospérité de l’État, détaille Simon Langlois-Bertrand. Les démocrates, qui n’ont jamais été contre le libre-échange, sont placés dans une situation impossible. C’est très difficile pour eux de se positionner fermement contre un accord dont on connaît encore peu les détails.»
Floride: l’aile gauche démocrate
Depuis la montée très remarquée du sénateur Bernie Sanders lors des primaires démocrates de 2016 et la victoire d’Alexandria Ocasio-Cortez dans les primaires de la 14e circonscription de New York, la gauche «socialiste» démocrate fait beaucoup de bruit. En Floride, c’est l’aspirant gouverneur Andrew Gillum qui pourrait créer la surprise contre Ron de Santis, un candidat appuyé par Donald Trump. «Il y a vraiment une ligne de fracture au sein du parti entre les candidats à la Sanders et des gens un peu plus au centre qui croient à la triangulation, comme les Clinton», analyse Frédérick Gagnon.
Il ne faudrait pas penser que ces candidatures très médiatisées sont représentatives de l’avenir du parti, croit M. Gagnon. «Ça ne veut pas nécessairement dire que l’avenir du parti va être à gauche. La suite des choses pour le parti va beaucoup dépendre des primaires démocrates de 2020», en vue de choisir le candidat à la présidence, tempère-t-il.
Géorgie: le vote afro-américain
Le vote des personnes afro-américaines pourrait faire basculer le résultat des élections en faveur des démocrates. Le candidat républicain au poste de gouverneur et secrétaire d’État de la Géorgie, Brian Kemp, a été accusé d’avoir pris des mesures lors de son mandat qui ont réduit la possibilité pour certains groupes démographiques, comme les Noirs, de s’inscrire sur la liste électorale. Son opposante, Stacey Adams, traîne d’un mince 2% dans les sondages. «Le gros point d’interrogation pour les démocrates, c’est qu’ils s’appuient sur des électorats moins présents aux urnes le soir des élections. Ce sont des gens qui font partie des minorités, qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Souvent, ils sont plus pauvres, n’ont pas de voiture pour se rendre aux bureaux de vote», explique Frédérick Gagnon.