Un an après le tragique incendie de la tour Grenfell à Londres, rescapés, familles endeuillées et voisins traversaient un moment « doux amer », partagés entre le réconfort d’être ensemble, et la souffrance d’avoir perdu des proches.
Dans la nuit du 13 au 14 juin 2017, le feu avait dévoré l’immeuble de 24 étages et les habitants du quartier avaient vu, impuissants, des dizaines de ses résidents rester prisonniers du brasier, un souvenir qui a laissé des milliers de personnes traumatisées.
Ahmed Faid, 23 ans, se trouvait chez lui, à Islington, dans le nord de Londres, la nuit du drame. « Je suis venu immédiatement », raconte-t-il à l’AFP, « j’étais choqué, je n’y croyais pas ». Aujourd’hui, « je suis toujours triste, toujours choqué, mais c’est bon de voir les gens se rassembler ».
En cet anniversaire, « tous les souvenirs reviennent en mémoire », a aussi témoigné Jane Lanyero, membre d’une association de soutien. « En marchant dans le quartier ce matin, je me sentais très émue », témoigne-t-elle à l’église St Helen, à quelques dizaines de mètres du lieu du drame, où s’est déroulée jeudi matin une messe commémorative.
L’église était décorée de vert, la couleur de l’espoir qui a aussi été choisie pour illuminer la tour dans la nuit de mercredi à jeudi.
Avant la cérémonie, Graham Tomlin, évêque de Kensington, a confié à l’AFP que les habitants du quartier étaient animés par des sentiments mitigés, « un mélange d’admiration pour la communauté » qui s’est mobilisée massivement pour aider les rescapés, et « de frustration » car « ça prend tellement de temps pour reloger tout le monde ».
Au total, 203 ménages ont perdu leur logement dans l’incendie. Un an après, moins de la moitié ont déménagé vers un logement pérenne, le reste vivant à l’hôtel ou dans des hébergements provisoires. « Aujourd’hui est un moment doux amer », a déclaré le député David Lammy, lors de la messe, résumant le sentiment général.
À midi, tout le pays s’est figé, en mémoire des victimes du pire incendie survenu au Royaume-Uni depuis la Seconde Guerre mondiale. A l’église St Helen, l’assemblée a observé 72 secondes de silence en hommage aux 72 victimes, parmi lesquelles figuraient 18 enfants et un bébé mort-né.
Les responsables de différentes confessions se sont engagés à continuer à oeuvrer main dans la main. Dans son sermon, le révérend Steve Divall, vicaire de St Helen, a salué les démonstrations de solidarité « incroyables » survenues un an auparavant.
C’est « l’humanité dans ce qu’elle a de meilleur », a-t-il déclaré. « Un an après, c’est difficile de continuer de la même façon », a-t-il ajouté. « Nous n’avons pas les mêmes idées, les mêmes ambitions ». Outre les dissensions qui ont pu traverser la communauté, les blessures restent vives et l’amertume forte. Beaucoup pensent que la catastrophe aurait pu être évitée. Ils reprochent aussi aux autorités leur manque de soutien. « Il y a de l’espoir, mais aussi de la frustration. Si peu de choses ont été faites pour les victimes! », a commenté à l’AFP Jane Lanyero.
À la sortie de l’église, des colombes blanches, symboles de paix, ont été lâchées dans le ciel, puis plusieurs centaines de personnes, rose blanche à la main et foulard vert autour du cou, ont marché jusqu’au pied de la tour.
Dans le cortège, les marcheurs tenaient des photos des disparus, des ballons de baudruche verts en forme de coeur ainsi que de grands coeurs verts barrés des mots « unité », « respect » ou « humanité ».
De nombreux bouquets ont été déposés au pied de la tour, désormais recouverte de bâches blanches sur laquelle des petits mots d’hommage ont été griffonnés. « Cela prendra du temps pour que les blessures cicatrisent », a dit à l’AFP Mgr Tomlin. Mais « les gens n’oublieront jamais les personnes qui sont mortes ».