Des canettes pour obtenir une mise de fonds
Comment faire quand on est une mère en garde partagée, que l’on a un bon salaire et que l’on n’a pas une mise de fonds suffisante pour acheter un duplex dans son quartier? Pour Élyse Gamache-Bélisle, la solution est de ramasser des canettes.
Cette habitante de Villeray s’est lancé le défi d’amasser une mise de fonds de 115 000$ en un an pour pouvoir s’acheter un logement dans son quartier. Et ce, en regroupant ses économies et en les complétant en ramassant des canettes et bouteilles consignées. Grâce à son entourage et aux réseaux sociaux, elle reçoit de plus en plus de dons de citoyens touchés par son projet. Par exemple, cette semaine une famille lui a donné ses trois ans de canettes. «Je suis vraiment touchée par l’engouement des gens. Ils me disent, tu vas réussir! C’est un peu David contre Goliath. Les gens veulent renverser la machine», raconte Élyse Gamache-Bélisle.
Initiée à la mi-mars, sa collecte atteint à date 2.5% de son objectif. Résidant à Villeray depuis 20 ans, elle rêve d’y acquérir un logement depuis de nombreuses années, mais son projet a été retardé par les aléas de sa vie professionnelle et personnelle. En début d’année, elle voit que ses voisins vendent leur duplex, elle se renseigne pour l’acheter et s’aperçoit que le prix de départ de la vente est de 1M$. «Là, mon quartier est rendu tellement cher qu’il me dit, on ne veut pas de maman monoparentale. Quand j’ai vu ça, je me suis dit que je ne pouvais pas rester assise là et chialer, c’est pas moi», dit la mère de deux enfants. Elle ne veut pas que «les gens lui paient sa maison» car elle ne s’estime pas dans le besoin. Ainsi, elle refuse de faire appel à un sociofinancement, ce qui serait beaucoup plus facile selon elle. Alors elle se souvient qu’enfant, elle ramassait les canettes de ses voisins pour se faire de l’argent de poche. L’idée est lancée et, grâce aux réseaux sociaux, fait son effet boule de neige.
Un projet personnel devenu une réflexion communautaire
Elle reconnait que c’est un immense défi et se sent parfois découragée, à son rythme actuel ça lui prendra six ans pour atteindre son objectif. Cependant, Élyse Gamache-Belisle persévère grâce à l’énergie des personnes qui la soutiennent et qui se rallient à une cause qui les touche. Comme cette voisine qui lui a offert de revendre sa plume Mont-Blanc, seul souvenir de son grand-père, afin de la soutenir dans son projet. Sa collecte l’amène à rencontrer de nombreuses personnes, elle s’aperçoit alors qu’elle n’est pas la seule à faire face à des problématiques de logement. «Une des éducatrices du CPE de mes enfants s’est ouverte à moi et m’a dit qu’elle se terrait dans son appartement parce qu’elle ne veut pas que le propriétaire augmente le loyer parce qu’elle ne pourrait pas se replacer dans Montréal. Ça va être une pénurie de main-d’œuvre par la suite qui va être causée par ça aussi. Les salaires n’ont pas suivi les loyers.»
«Les gouvernements qui disent qu’il n’y a pas de crise du logement, il faut qu’ils se réveillent. Qu’une mère comme moi, avec un bon salaire, soit obligée de ramasser des canettes les soirs et fins de semaine pour arriver à sécuriser sa famille, peut-être qu’il y a une crise du logement.» – Elyse Gamache-Belisle
En plus de vouloir sécuriser sa famille, ce projet a pris une forme de militantisme pour la jeune femme. Depuis, elle a rencontré la mairesse de Villeray et contacte les gouvernements pour demander des mesures contre la spéculation immobilière. «Je milite pour l’accès à la propriété parce que j’en suis rendu là dans ma vie, mais je milite aussi pour les locataires. Pour que les loyers restent accessibles aux gens qui ont un moindre revenu. Si on veut garder la diversité dans nos quartiers, ça prend des appartements qui restent abordables.»
Pour contribuer au défi d’Élyse, on peut visiter sa page Facebook: Projet mise de fonds.