Une vingtaine de citoyens ont manifesté devant la mairie de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, mercredi matin, pour tenter de convaincre l’arrondissement de rejeter une modification réglementaire qui risque selon eux de contribuer aux évictions de locataires dans le secteur.
«Promesse non tenue, Villeray dans la rue!», ont scandé dès 8h30 les locataires et représentants d’organismes présents devant l’immeuble, situé sur l’avenue Ogilvy. Les manifestants entendaient bloquer l’accès aux élus à ce bâtiment, qui comprend notamment la salle du conseil. Ils ont toutefois pris la décision de quitter les lieux vers 10h, alors que plusieurs policiers surveillaient l’événement, qui s’est déroulé sans heurts.
Limiter les évictions
Le 4 mai dernier, les élus de l’arrondissement ont adopté en première lecture un règlement pour interdire les divisions et les subdivisions de logements dans les immeubles de trois appartements et plus. Il visait aussi à empêcher les agrandissements de logements pour les bâtiments de deux logements ou plus. L’arrondissement entendait ainsi limiter la réduction du nombre de logements locatifs disponibles et la possibilité pour des propriétaires d’obtenir des permis de rénovation dans le but d’évincer leurs locataires et d’augmenter ensuite le prix du loyer de leur logement.
«Il y a beaucoup de transformations de duplex en maisons [unifamiliales]. Et chaque fois que ça arrive, il y a un logement de moins sur le marché, ce qui augmente le phénomène de pénurie de logements», explique à Métro Louis-Simon Besner, de l’Association des locataires de Villeray.
Ce projet de règlement a fait l’objet cet été d’une consultation publique qui a polarisé les locataires et les propriétaires. Ces derniers ont notamment affirmé qu’une telle mesure viendrait nuire aux familles désirant agrandir leur logement pour répondre à leurs besoins.
Assouplissements
Mercredi après-midi, les élus du conseil d’arrondissement devaient adopter une motion, mise de l’avant par la conseillère Rosannie Filato, qui propose en somme de modifier ce projet de règlement afin d’autoriser la fusion de logements locatifs dans les immeubles de petite taille.
Le document, qui a reçu l’aval de quatre des cinq élus de l’arrondissement, a toutefois fait l’objet d’un droit de veto de la part de la mairesse d’arrondissement, Giuliana Fumagalli. Son adoption aura donc lieu à une date ultérieure, à moins que l’élue indépendante ne réussisse à faire changer d’avis ses collègues.
«Ce qui est proposé, c’est une coquille vide. Dans le fond, Projet Montréal et Ensemble Montréal autorisent les fusions et les subdivisions. Donc, on va se ramasser que tout sera permis», avait-elle déploré à Métro, avant la tenue de cette séance.
«Ce qu’ils proposent maintenant, c’est une concession totale aux propriétaires plus nantis. Nous trouvons que c’est inacceptable. C’est pour ça que nous comptons envoyer un message clair aux locataires que nous ne laisserons pas nos amis et nos voisins se faire évincer», avait également lancé l’organisatrice communautaire au Comité d’action de Parc-Extension (CAPE), Amy Darwish.
«Les locataires qui étaient protégées dans les multiplex pourraient se retrouver dans la rue dans les prochains mois.» -Amy Darwish, organisatrice communautaire pour le CAPE
Un compromis
En entrevue à Métro en fin d’après-midi, Mme Filato a plutôt décrit la modification réglementaire mise de l’avant comme un compromis entre les besoins des locataires et des propriétaires occupants.
«On a le souhait de garder l’ensemble des Montréalais à Montréal», a-t-elle résumé.
Elle nie d’ailleurs que cette nouvelle version du règlement n’aura aucun impact sur les évictions de locataires justifiées par des agrandissements ou des divisions de logements, comme l’affirme Mme Fumagalli.
«Le règlement qu’on propose est quand même plus restrictif que le statu quo en arrondissement», estime Mme Filato.
Contestations envisagées
Plusieurs arrondissements ont élaboré dans les derniers mois des projets de règlement similaires afin de protéger leur parc locatif. C’est notamment le cas du Plateau-Mont-Royal, de Ville-Marie et de Verdun. Dans le Sud-Ouest, des dizaines de locataires se sont mobilisés lors de la séance du conseil d’arrondissement, mardi, pour presser les élus d’adopter au plus vite des mesures pour limiter les évictions de locataires.
Pendant ce temps, la mobilisation des propriétaires s’organisent alors que plusieurs envisagent de se tourner devant les tribunaux pour contester ces règlements, une fois adoptés. C’est notamment le cas de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ).
«Il ne devrait y avoir aucune entrave pour les propriétaires. C’est un droit de pouvoir subdiviser et agrandir des logements», martèle son porte-parole, Hans Brouillette. Ce dernier estime que les arrondissements ne peuvent pas, légalement, empêcher le droit des propriétaires de procéder à des évictions.
«On est tout à fait conscients que ce type de règlements peut faire l’objet d’un référendum ou de contestations», a réagi Mme Filato.