Démantèlement des campements: une logique «paradoxale», selon des organismes communautaires
Mercredi a eu lieu une rencontre privée sur la «crise des vulnérabilités» à Montréal entre la mairesse Valérie Plante et divers organismes communautaires. Si chacun d’entre eux a pu faire part des enjeux prioritaires métropolitains et de pistes de solutions, la question des démantèlements de campements illégaux demeure épineuse.
Une ligne dure semble avoir été tracée par l’administration Plante au sujet des démantèlements de campements. Les nombreux arguments formulés en faveur de leur maintien par certains organismes communautaires n’ont pas eu pour effet de l’attendrir.
«À la fin de la rencontre, on nous a dit que la Ville de Montréal a une ligne dure, c’est ferme, mentionne au téléphone l’organisateur communautaire du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), Jérémie Lamarche, qui était présent aux discussions. On nous a donné des enjeux de sécurité et de dignité comme raison pour démanteler des campements.»
Une logique qui paraît pour le moins paradoxale, du point de vue du RAPSIM, qui croit que la destruction de ces abris de fortune met en péril la santé et la sécurité des campeurs. Selon le RAPSIM, la Ville devrait plutôt leur fournir de l’eau potable, des installations sanitaires et de lieux pour la collecte de déchets.
En démantelant des campements, on force des personnes à s’isoler davantage, à devenir de moins en moins visibles. Si elles sont confrontées à des enjeux qui nécessitent de l’aide d’urgence, comme des surdoses, elles seront moins sujettes à être aidées.
Jérémie Lamarche, organisateur communautaire au RAPSIM
Peu ou pas de ressources alternatives
Ces actions nuisent également au travail des intervenants sur le terrain qui établissent des liens de confiance avec les campeurs, renchérit le directeur général de l’organisme L’Anonyme, Julien Montreuil.
«Lorsque des personnes vulnérables vivent dans des campements, on peut aller les voir régulièrement, déterminer avec elles leurs besoins. On peut les accompagner dans les différentes démarches qu’elles veulent entreprendre au niveau de leur qualité de vie. Quand on démantèle les campements, ces personnes, on les perd. Elles se cachent.»
Et si on balaie ces installations du paysage urbain, l’horizon paraît bien désert en termes de ressources alternatives pour plusieurs personnes en situation d’itinérance aux besoins variés.
«Dans les refuges, les critères d’admission peuvent être assez sévères, souligne l’organisateur communautaire du RAPSIM. La plupart n’acceptent pas la consommation de substances dans les refuges ou les personnes en état d’intoxication. Les refuges sont non mixtes, donc les couples ne peuvent pas bénéficier d’intimité ou être ensemble. Très peu de ressources permettent aussi aux personnes de dormir avec leurs animaux.»
Bien qu’il s’agisse d’une «solution qui est loin d’être idéale», les campements demeurent «une initiative autonome de personnes débrouillardes qui essaient de survivre à leur façon en répondant à leurs propres besoins», estime M. Lamarche.
Pas une solution durable, dit la Ville
De la débrouillardise, certes, mais pas sans danger, croit pour sa part la directrice générale du refuge pour femmes Chez Doris, Marina Boulos-Winton, qui partage davantage les préoccupations de la mairesse Plante sur l’enjeu. Mme Boulos-Winton mentionne à la volée des histoires de tentes incendiées dans l’ancien campement démantelé de la rue Notre-Dame. En mai dernier, le campement d’une personne en situation d’itinérance a brûlé près du Palais des congrès.
«Les campements ne sont pas une solution ni durable ni sécuritaire pour les personnes en situation d’itinérance. Les enjeux de sécurité sont sérieux, surtout en raison du matériel inflammable présent dans les campements. Nous avons d’ailleurs évité le pire lorsqu’un campement a pris feu dans l’arrondissement de Ville-Marie», relate la Ville de Montréal dans un courriel envoyé à Métro.
À cela, le porte-parole du RAPSIM, Jérémie Lamarche, réplique «que des feux, il y en a aussi dans les appartements».
La solution à l’itinérance passe par un toit au-dessus de sa tête. Il est essentiel de trouver des alternatives sécuritaires aux campements et ça passe forcément par des services, des refuges et du logement social avec soutien communautaire.
Cabinet de Valérie Plante, mairesse de la Ville de Montréal
Si la Ville assure déployer des ressources, faire des suivis réguliers et du référencement, «notamment avec ÉMMIS», elle appelle le gouvernement à «débloquer les unités qui sont attendues en logements sociaux avec du soutien communautaire pour les personnes vulnérables».
«Pour atteindre les résultats durables qu’on souhaite, on va continuer de mettre tous les paliers et les organismes autour de la table. On ne peut pas commencer à s’occuper des enjeux sociaux quand ils arrivent dans l’espace public et on demeure pleinement mobilisés pour répondre aux besoins qui sont vécus sur le terrain», affirme le cabinet de la mairesse.
En collaboration avec Clément Bolano.