Réouverture des écoles: les craintes des enseignants demeurent
La réouverture prochaine des écoles inquiète le milieu de l’enseignement. Si les enseignants comprennent la nécessité pour les élèves de retrouver la salle de classe, ils craignent pour leur santé et celle de leur famille.
«C’est difficile de se prononcer. La majorité des profs préfèrent enseigner devant leurs élèves en classe. Par contre, la crainte pour la santé et la sécurité est là actuellement, ce qui fait que c’est un retour qui se fait quand même pour plusieurs avec la peur au ventre», résume Catherine Beauvais-St-Pierre, présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal.
À la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), le son de cloche est semblable, alors qu’on estime qu’il s’agit de la meilleure décision dans les circonstances, bien que certaines inquiétudes subsistent.
«Ça répond à une volonté des profs d’être avec leurs élèves, mais ça doit se faire dans un contexte sécuritaire. Il n’y a pas de solution miracle. La pandémie réussit à déjouer les plans que peut échafauder le gouvernement», ajoute Sylvain Mallette, président de la Fédération.
«La pandémie, comme dans d’autres secteurs, est venue exacerber des situations difficiles qui existaient déjà. Il faut que les ressources qui sont mises en place visent à assurer la sécurité pour assurer la rupture des services éducatifs.» – Sylvain Mallette, président de la FAE
Les écoles primaires pourront rouvrir lundi prochain comme c’était prévu. Les écoles secondaires ouvriront pour leur part la semaine suivante.
Aux mesures déjà en place, le premier ministre Legault a mentionné que les élèves au primaire devront porter le masque pour se déplacer hors de la salle de classe. Ceux de cinquième et sixième année auront l’obligation de le porter en tout temps.
Au niveau secondaire, des masques de procédures seront livrés dans les écoles, tant pour les élèves que pour le personnel.
Le gouvernement a annoncé qu’une autre conférence de presse aura lieu vendredi afin de préciser les modalités dans lesquelles se fera ce retour en classe.
Le syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’Île (SEPI), pour sa part, préfère attendre ces prochaines annonces avant de commenter le retour en classe.
Enseignantes inquiètes
Sous le couvert de l’anonymat, plusieurs enseignantes disent être partagées entre la volonté d’aider leurs élèves et les craintes pour leur propre sécurité.
«Mes élèves sont en grandes difficultés d’apprentissage, alors l’enseignement en ligne était vraiment difficile pour eux. Sans compter que j’ai quelques élèves qui ne se connectaient pas pour toutes sortes de raisons», explique Maude*, une enseignante au primaire au CSSDM.
«Je pense que c’est bénéfique pour les élèves, mais que ce n’est pas sécuritaire pour les enseignants», estime pour sa part Annie*, enseignante au primaire dans un établissement du CSSDM.
Elle craint que la santé du personnel enseignant soit mise en jeu avec ce retour en classe, et remarque à ce propos un haut niveau d’anxiété parmi ses collègues. «J’ai peur à un départ en maladie pour des raisons d’épuisements pour quelques enseignants», révèle-t-elle.
Des propos qui rejoignent Charlotte*, une enseignante au sein de la CSEM. Elle a de la difficulté à comprendre ce qui justifie de rouvrir les écoles dans le contexte actuel, surtout alors que les enseignants et enfants ont pu se familiariser avec les classes virtuelles.
«J’en ai un ou deux enfants pour lesquels ça vaut la peine de rouvrir les écoles. Pour ceux-là, j’accepte, et je vais faire en sorte que le retour soit le plus paisible possible, mais on met beaucoup de gens à risque. Je crois que d’attendre une semaine ou deux de plus n’aurait rien changé. C’est trop rapide», croit-elle.
«Je comprends qu’ils veulent ouvrir les écoles primaires tout de suite, mais c’est une question de gardiennage pour les parents», estime de son côté Stéphanie, enseignante au CSSPI.
La problématique de la ventilation
Enjeu fréquemment soulevé par les partis d’opposition, la ventilation des écoles était sous la loupe. Tous les membres du milieu éducatif auxquels Métro Média s’est adressé ont souligné que la problématique était bien réelle, et existait bien avant la crise de la COVID.
«L’inquiétude est là, mais on ne sent pas toujours que c’est pris au sérieux. On demande aux profs d’ouvrir les fenêtres, mais il faut comprendre que certaines classes n’en ont pas, et que ça risque aussi d’être difficile à faire quand il fera -20o ou qu’il y aura des tempêtes de neige», dénonce Mme Beauvais-St-Pierre.
Sylvain Mallette, président de la FAE, rappelle que tant les problèmes de vétustés des écoles que la pénurie d’enseignants existaient avant la pandémie, et que certaines des revendications de la Fédération n’ont pas changé, malgré la crise.
«Les craintes sont nombreuses, parce que les problèmes qui existaient avant la pandémie étaient nombreux, et que la pandémie n’a pas eu pour effet que les résorber. Au contraire, elle exacerbe ces difficultés», conclut-il.
Le gouvernement devrait annoncer vendredi davantage de mesures qui permettraient de répondre à ces préoccupations.
*Noms fictifs