La jeunesse prime sur la beauté
L’industrie des cosmétique, par exemple, connaît depuis plusieurs années un essor au Canada – jusqu’à 10% par année. L’Oréal, qui détient son siège social canadien à Montréal, a fait un chiffre d’affaire de 7 milliards de dollars en 2010, éclaire Mme Julien. L’industrie de la beauté n’est pourtant pas présente pour rendre beau. L’important, c’est d’être jeune – ou du moins le paraître.
«Nous sommes dans une société de performance», précise Mme Julien, qui enseigne à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal.
«La beauté, c’est aussi lié à un modèle d’hyper consommation. L’objectif de la consommation est de rajeunir son vécu», souligne l’auteure de plusieurs livres.
Autrefois, la distinction sociale pouvait se faire en possédant une belle voiture, ou des vêtements luxueux. Désormais, elle se fait également à partir de «la capacité à entretenir son corps et à le modifier.»
Avoir un corps qui fait jeune, c’est plus qu’une question de beauté. La jeunesse symbolise la «richesse et la réussite sociale». La spécialiste relève que dans les pages de revues d’affaire, la femme est peinte avec un ventre plat. «Le ventre plat est devenu un symbole de contrôle. (…) La femme, on ne montre pas son visage, mais si elle a un corps avec le ventre plat, on va la montrer de pleins pieds. C’est devenu le symbole de la femme qui réussit sur le marché du travail.»
Elle rappelle que cette image est contre-nature, la femme étant naturellement plus ronde.
Être appétissant pour l’autre sexe
La spécialiste souligne que la transformation entre les relations hommes et femmes ont également changé notre façon de voir notre corps. On ne reste plus ensemble la vie durant et on ne sait jamais quand on aurait «besoin de notre corps».
«La beauté n’est plus innée. Il y a des gens qui naissent plus privilégiés que d’autres, mais même la plus belle des personnes ne sera pas considérée comme une belle personne si elle ne travaille pas son corps. Par exemple, le poil est devenu un élément répulsif. (…) Le muscle prend également beaucoup de valeur.»
Les hommes sont touchés par ces changements, car «les femmes ont des critères beaucoup plus élevés. On ne se contente pas d’avoir des pourvoyeurs dans nos vies: on veut des beaux hommes.»
Pour répondre à ces critères de beauté, les hommes s’épilent, ont recours aux manucures et iront même jusqu’à porter du maquillage.
Elle confirme l’engouement pour les soins du corps, surtout au niveau de la manucure. «C’est le soin corporel qui a évolué le plus au cours des 25 dernières années.»
Certains traitements, comme le botox, la manucure, la teinture des cheveux, doivent être renouvelés et créent donc une addiction au service. C’est un moyen d’améliorer l’apparence physique – et paraître plus jeune.
Afin de se pourvoir de ces services – surtout ceux qui sont récurrents et qui demandent de l’entretien -, la professeure insiste sur le fait qu’il faut «en avoir les moyens».
Elle termine en lançant un message qui porte à réfléchir, «autrefois, le corps nous servait à mener des projets dans la vie. Aujourd’hui, pour beaucoup de gens, il est devenu le projet de leur vie. (…) À se comparer à des idéaux de beauté et aux autres, ça mine l’estime de soi.»