La vague de rénovictions frappe de plein fouet Rosemont – La Petite-Patrie, selon de nombreux citoyens qui sont venus faire part de leur situation précaire au conseil d’Arrondissement.
Lors de la séance de questions adressées aux élus, lundi 10 février, une douzaine de locataires ont pris la parole les uns après les autres pour témoigner de stratagèmes adoptés par certains propriétaires.
Ces derniers utilisent l’obtention d’un permis de rénovations majeures afin de les évincer, pour ensuite relouer à plus fort prix, parfois sans même effectuer les travaux prévus.
« On a eu un avis d’éviction en décembre, qu’on a contesté. On est trois dans notre 4 et 1/2 et en haut il y a une famille avec un enfant et une autre personne seule dans le troisième logement. Ça bouge beaucoup de gens, avec pas nécessairement beaucoup de moyens. Tout ça pour faire des condos », a affirmé David Guillemette, locataire d’un triplex à proximité du métro Rosemont.
La tendance ne touche pas que les petits bâtiments, comme en témoigne une autre locataire.
« Nos appartements ont récemment été vendus à un nouveau propriétaire qui tient une compagnie à numéro. Au total, nous sommes huit locataires, dans plusieurs duplex sur le même pâté de maisons. Parmi nous, il y en a quatre qui reçoivent du bien-être social, une personne handicapée et deux personnes atteintes de maladies à long terme. Ce sont des personnes vulnérables », a souligné la femme qui a tenu à conserver l’anonymat.
Celle-ci a relaté comment son propriétaire a voulu leur faire signer des contrats afin qu’ils quittent les lieux avant la fin de leur bail, en mars, pour des compensations représentant parfois seulement trois ou quatre mois de loyer. Une poursuite judiciaire a aussi été entreprise à son endroit, une tactique d’intimidation à son avis.
Phénomène dénoncé
Un peu partout, les acteurs du milieu sonnent l’alarme concernant les rénovictions. La semaine dernière, c’est le Comité logement du Plateau – Mont-Royal qui a débarqué lors de son conseil d’arrondissement pour demander un moratoire sur les permis accordé. Le soir même du 10 février, la même opération a été répétée dans l’arrondissement du Sud-Ouest.
Québec solidaire a emboité le pas cette semaine en pressant le gouvernement Legault d’imposer un moratoire sur les évictions réalisées dans le cadre de travaux majeurs dans les régions où le taux d’inoccupation des logements locatifs est sous la barre de 3%.
Dans Rosemont – La Petite-Patrie, la plupart des citoyens ont demandé aux élus d’agir rapidement en adoptant des mesures règlementaires pouvant mettre un frein à ce phénomène, et ce avant le 1er juillet prochain, craignant une nouvelle crise du logement.
C’est sûr qu’avec la crise du logement, on va un jour devoir quitter Montréal. Ce n’est pas normal qu’on ait autant de misère à se loger, c’est rendu ridicule. -David Guillemette, locataire qui fait face à une rénoviction.
En effet, l’Arrondissement reconnaît que le taux d’inoccupation du logement locatif dans la métropole est à son plus bas en 20 ans, tournant aux alentours de 1,5 % et de 1,3 % dans Rosemont – La Petite-Patrie. Selon le Comité logement de la Petite-Patrie, celui-ci est même quasi nul lorsqu’il s’agit d’appartements incluant trois chambres à coucher.
Resserrer la règlementation?
De son côté, Martin Blanchard, coordonnateur au comité, adhère à la proposition de Québec solidaire demandant un règlement interdisant l’émission de permis d’agrandissement, de subdivision ou de changement d’affection lorsque le taux d’inoccupation des logements locatifs est inférieur à 3 % dans l’arrondissement.
« Aussitôt qu’un propriétaire a un permis d’agrandissement, il peut procéder à une éviction, sans que l’on puisse vérifier par la suite s’il a vraiment effectué ces travaux. Il y a beaucoup de fraude et de malveillance en ce moment. La spéculation encourage ce genre de manœuvre », insiste-t-il.
Ce dernier croit que des centaines de locataires de Rosemont – La Petite-Patrie sont à risque de perdre leur logement dans les prochains mois.
Lors de son mot d’ouverture et durant ses réponses adressées aux citoyens, François W. Croteau, maire de l’Arrondissement, a proposé plusieurs pistes de solution pour combattre les stratagèmes de certains propriétaires qu’il a qualifiés de « dégueulasses ».
M. Croteau a premièrement rappelé que les administrations locale et municipale ont des pouvoirs très limités en ce qui a trait au droit au logement. Celui-ci a souligné qu’il avait interpellé à de nombreuses reprises, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, afin qu’elle intervienne, entre autres, en modifiant la loi pour que « les locataires n’aient plus le fardeau de la preuve » dans les cas de rénovictions.
Quant à l’adoption d’un règlement limitant les agrandissements, les subdivisions et les changements d’affection, ce dernier a indiqué être ouvert à cette proposition, mais qu’il faudra d’abord examiner si ce genre de mesure est adapté au territoire de Rosemont – La Petite-Patrie.