Des coups de feu ont retenti en fin d’après-midi mardi, à l’intersection des avenues André-Ampère et Charles-Renard. Une dizaine de balles auraient été tirées, touchant un véhicule et, surtout, la façade de la garderie Bambino Village.
L’histoire se répète et le dépit, la lassitude et la fatigue s’ajoutent à la peur que vivent déjà de nombreux habitants de Rivière-des-Prairies.
«On était en train de jaser dehors, on a entendu des coups de feu, on est rentré [en courant]. C’est effrayant et désolant», déclare une commerçante dont les locaux se trouvent dans la même zone commerciale.
Cette femme de 36 ans, qui a préféré garder l’anonymat par peur de représailles, est mère de deux enfants.
«Ils viennent ici jouer dans le parking. On a peur pour eux. La police doit être plus impliquée dans ce coin», déclare la femme, qui souhaite simplement «vivre tranquillement et rester la tête posée».
Selon le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), aucun suspect ni aucune victime n’auraient été identifiés jusqu’à présent dans cette affaire.
Une relationniste du SPVM confirmait, en entrevue avec Métro, que les «coups de feu proviendraient possiblement d’un véhicule en mouvement».
Des événements presque banals
Vanessa, 17 ans, était chez elle, à quelques dizaines de mètres des déflagrations, au moment des faits.
«Je n’ai rien vu mais j’ai eu peur. Habituellement, c’est la nuit que ça arrive. Je ne pensais pas que ça [se produirait] en pleine journée», relate-t-elle.
Le terme «habituellement» qu’utilise la jeune femme qui a grandi dans le quartier traduit une triste réalité: ces faits divers sont rendus monnaie courante dans le quartier du nord-est de l’île.
La mairesse de l’arrondissement, Caroline Bourgeois, s’est déclarée «extrêmement choquée» par ces événements. Notamment par le fait qu’ils se soient produits devant une garderie, à l’heure où les parents viennent récupérer leurs enfants.
C’est des problématiques de long terme. Tout est dans les inégalités.
Une intervenante du centre communautaire Le Phare
«Ce n’est pas la première fois que je le dis, malheureusement», souligne-t-elle, rappelant ainsi les fréquents épisodes liés aux armes à feu qui ont lieu dans l’arrondissement.
La mairesse d’arrondissement dit comprendre et partager l’inquiétude des habitants. Elle estime que tout le monde doit s’impliquer contre ce «fléau», en passant par la prévention, notamment.
Limiter les armes
Un autre problème soulevé par la mairesse et les citoyens interrogés: la circulation facile des armes à feu. Tout le monde semble être unanime: il faudrait mieux l’encadrer pour ne pas voir ces épisodes se produire aussi souvent.
Pour une intervenante du centre communautaire Le Phare, qui a souhaité garder l’anonymat, cela passe par un changement de société.
«Il y a un deux poids deux mesures. […] Quand ça se passe à Saint-Léonard ou Le Plateau, c’est un blanc qui n’a pas de casier judiciaire, que de bonnes fréquentations. C’est comme mystérieux. Quand c’est ici que ça se passe, on se dit: “Ben oui, ça doit être un gang de rue.” Il y a un racisme systémique», dénonce-t-elle.
Une culture bien ancrée, qui pousserait ainsi certaines communautés défavorisées vers un mauvais chemin.
«À un moment donné, il y a des désillusions. Ici, y’a rien pour occuper les jeunes. Quand tu subis, tes choix sont quoi? Y’a des jeunes qui veulent être huissiers, architectes, mais ils ont des obstacles que beaucoup d’autres n’ont pas», poursuit la jeune femme.
La semaine prochaine, l’arrondissement devrait dévoiler un plan pour la sécurité urbaine. Il est issu d’une concertation avec de nombreux organismes et habitants de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles.
«C’est toute du long terme. Tout est dans les inégalités», rappelle l’intervenante du Phare.
*Avec la collaboration de Coralie Hodgson.