Connu pour ses cornes, sa langue fourchue, ses tatouages et sa bonne humeur, Fred bénéficie depuis la fin décembre de plusieurs semaines payées dans un motel, d’un nouveau manteau et de nourriture, grâce à un élan de générosité initié sur Facebook.
Tout commence par une publication dans le groupe Spotted Pointe-aux-Trembles le 29 décembre. Glora Ruzza écrit alors que son conjoint vient de rencontrer Fred près de la succursale de la SAQ située rue Sherbrooke E., à l’angle de Tricentenaire.
Le jeune homme sans-abri a raconté à l’employé d’Urgence-Santé s’être fait amputé le gros orteil droit à la suite d’une engelure. En outre, il ne dort plus à son emplacement habituel, ce qui explique le fait que des résidents ne le voient plus.
«SVP, si vous avez des couvertures en trop ou du restant de bouffe de Noël, allez donc faire un petit tour pour lui remettre vos restants et vos couvertures», écrit Mme Ruzza, durant une vague de froid extrême qui dure depuis des jours.
Boule de neige
Pour une raison inexpliquée, la publication fait boule de neige.
«Je ne sais pas pourquoi ç’a autant pogné, il y a eu d’autres posts avant et ils n’ont pas eu cet effet-là, mais mon conjoint pense que c’est parce que Noël venait de passer», suppose Mme Ruzza.
Bien vite – Fred voit des inconnus lui offrir des couvertures et de la nourriture. Pendant ce temps, il l’ignore, mais une campagne de sociofinancement est lancée et amasse assez d’argent pour lui payer quatre nuits dans un motel.
Plus tard, il reçoit également une vingtaine d’autres nuits au motel, un manteau tout neuf, des cartes cadeau d’une valeur près de 300$ dans une rôtisserie Benny du coin et, pourquoi pas, un plat congelé de pâté chinois.
«C’est incroyable, c’est de la générosité pure, des gens que je ne connais pas ont travaillé plusieurs heures pour que je reste au motel et que j’ai des cadeaux», réagit l’intéressé en entrevue avec TC Media.
Geste d’équipe
Chez Benny, la quinzaine d’employés, en plus de la propriétaire, ont cotisé pour acheter des cartes cadeaux à Fred, à l’initiative de la gérante Marie-Josée Puccio.
L’histoire veut que Fred a même insisté pour laisser un pourboire à une caissière lorsqu’il est venu chercher son premier repas.
«J’ai beaucoup de jeunes employés de 16 à 18 ans, qui ne travaillent pas beaucoup, qui vont à l’école, et même eux ont décidé de donner, alors j’ai trouvé ça vraiment beau comme geste de la part de mon équipe», raconte Mme Puccio.
Pas jojo
À l’entendre, Fred ne l’a pas eu facile: tumeur au cerveau, toxicomanie, amputation d’un orteil, perte de poids drastique. Il sait que sa consommation de drogue, aujourd’hui vaincue, a causé du tort à ses proches et à sa vie professionnelle.
Cependant, le «p’tit gars de la campagne», originaire de St-Côme, ne s’appuie pas sur son sort. Il s’estime responsable, pas coupable. «J’accepte mon choix, dit-il. Je vais toujours vivre en marge.»
«Souvent, je dis aux gens que je ne veux pas leur argent, je veux des bonjours.»
– Fred
Retrouvailles
L’auteure de la publication Facebook qui a tout déclenché a pu rencontrer Fred chez elle.
Mme Ruzza explique qu’elle, son conjoint et Fred ont connu une dame qui s’est récemment enlevé la vie. Cette dame s’assoyait à côté de Fred et discutait avec lui durant plusieurs dizaines de minutes.
«Si j’avais quelque chose à dire à Fred, je lui dirais que mon post a peut-être marché ce coup-là parce que Nathalie a fait en sorte qu’il soit vu», a-t-elle confié avant la rencontre.
Loin du centre-ville
Même s’il y a plus de refuges pour itinérants au centre-ville de Montréal, Fred préfère Pointe-aux-Trembles parce que les drogues y sont moins accessibles.
«Ici, il n’y a pas de ressources, pas d’organismes dédiés aux gens dans la rue, constate-t-il. Il y a des centres d’hébergement dans Hochelaga-Maisonneuve, mais c’est supervisé, et ils te réfèrent au centre-ville. Tout te ramène au centre-ville, donc au problème que tu veux fuir.»
Il compte donc sur l’argent qu’il amasse, l’aide alimentaire de certains organismes, les couvertures que lui fournissent parfois des ambulanciers et des endroits cachés où s’étendre, derrière des édifices.