L’agriculture urbaine sous un autre jour à Pointo
Diversité culturelle, «écogentrification», exode urbain des jeunes : l’agriculture urbaine – domaine au sein duquel Montréal fait figure de chef de file – excède de loin les frontières des serres sur toit des Fermes Lufa. Ces enjeux sont justement des territoires que défriche l’émission balado Semons le changement.
«L’agriculture urbaine, c’est tellement valorisé qu’on ne veut pas y associer du négativisme», affirme en entrevue l’instigatrice de ce podcast, Isabelle Gareau, également aux rênes de l’animation. «Donc on ne parle pas de ce qui peut être dérangeant. Mais je trouvais ça important d’en parler.»
Semons le changement est le balado de l’organisme à but non lucratif l’Éco de la Pointe-aux-Prairies (joli amalgame pour désigner son arrondissement, Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles).
Et la coordonnatrice en agriculture urbaine à l’Éco de la Pointe-aux-Prairies sait de quoi elle parle. C’est à force de côtoyer des gens en agriculture urbaine et de constater à quel point ce milieu était blanc que l’idée du balado a germé dans son esprit. Il lui semblait qu’on ne parlait pas suffisamment de ce manque de diversité, à l’instar de bien d’autres sujets et tabous – n’ayons pas peur des mots – enracinés dans ce milieu en effervescence.
Le balado a donc vu le jour pour lancer la discussion. Et le plus important aux yeux d’Isabelle était d’entendre les points de vue de personnes concernées par ces enjeux, souvent délicats ou complexes. Et d’en informer la population.
Sujets sérieux, conversations relaxes
Comme si elle les conviait à prendre un verre, Isabelle converse de façon détendue, dans une ambiance intime et bienveillante, avec des gens passionnés (qui ne sont pas des sommités – le budget de l’Éco de la Pointe-au-Prairies ne le permettrait pas) qu’elle a rencontrés dans sa vie personnelle ou professionnelle.
Après avoir abordé en juin la diversité dans l’agriculture urbaine, puis l’«écogentrification» en juillet, Isabelle se penche ce mois-ci sur l’exode urbain des jeunes. Elle en discute avec Marc-Antoine Jetté-Léger, qui a troqué son emploi lucratif de programmeur de jeux vidéo contre celui d’aide-maraîcher dans les Laurentides – une vie beaucoup moins fructueuse sur le plan pécuniaire, mais qui l’enrichit de bien d’autres manières.
Présenté deux fois par mois depuis juin (le 1er et le 15 de chaque mois), le balado, qu’Isabelle enregistre chez elle au mieux de ses connaissances, fait montre d’esprit critique «sans forcément dénoncer», souligne-t-elle. Les épisodes s’échelonnent d’une vingtaine à une quarantaine de minutes.
Isabelle voit dans Semons le changement l’occasion pour les auditeurs et auditrices de découvrir «des réalités autres, d’autres cultures», qui, elle l’espère, engendreront réflexions et remises en question.
Et l’animatrice n’a pas de chouchou: «Chaque conversation m’a fait voir les choses autrement ou a confirmé des trucs que je pensais. J’aime me plonger dans chacune d’elle», nous confie celle qui a déjà été aide-jardinière.
Souhaitons que le balado survive à la coordonnatrice, qui quittera son poste à l’automne. Souhait que partage cette dernière: «C’est une façon pour l’Éco de la Pointe-aux-Prairies de ne pas juste se positionner comme un organisme mobilisateur et de sensibilisation, mais aussi de se positionner par rapport à ses valeurs. Pour montrer sa position au public, et peut-être paraître plus accessible. Oui, on veut dénoncer le racisme, la gentrification, mais le problème est complexe», conclut-elle.