Au début des années 1970, les habitations Place Normandie faisaient leur apparition dans le nord-est de Montréal-Nord. Depuis des décennies, des locataires y travaillent d’arrache-pied pour en faire un endroit où il fait bon vivre. Mais le 50e anniversaire a été assombri par la mort de Jayson Colin, un jeune homme tué par balles le mois dernier, qui avait grandi dans ces HLM.
Trésorière de l’Association des locataires, Guerda Calisthene est l’une de celles qui ont façonné la vie des habitations Place Normandie.
Elle s’est installée dans l’un des 170 logements en 1996, quelques années après son arrivée au Canada d’Haïti. Elle avait 21 ans et sa fille venait d’avoir un an. «Il y avait des gars qui traînaient. Les policiers venaient souvent. […] Les gars criaient, ils jouaient au basket très tard», raconte-t-elle.
Rapidement, elle a mis la main à la pâte pour changer les choses. «Je me suis impliquée, j’ai connu les activités, j’ai connu tout le monde», explique-t-elle. Elle s’est notamment rapprochée de Ronide Casséus, la mère de Jayson, organisant avec elle des activités pour les jeunes de l’endroit.
Avant, c’était sale, les gens jetaient leurs trucs partout. Maintenant, quand les gens viennent chez moi, ils trouvent ça beau. Ils sont surpris quand je leur dis que c’est un HLM.
Guerda Calisthene, locataire depuis 26 ans
«CH» pour Chartrand
Le président de l’Association des locataires, José Trottier, est arrivé avec ses enfants en 2008, peu après les émeutes qui ont suivi la mort de Fredy Villanueva. Rapidement, il s’est lui aussi engagé dans la vie communautaire.
En près de 15 ans, il a créé des emplois pour une soixantaine de jeunes. Ils entretiennent aujourd’hui les plates-bandes autour des immeubles, désormais bordés d’arbustes et de jeunes arbres fruitiers. «La priorité va aux jeunes de Place Normandie. C’est chez eux, je veux développer un réflexe d’appartenance, qu’ils se sentent fiers», souligne-t-il.
Preuve que ça marche: des générations de jeunes désignent les HLM «CH», en référence à la rue Chartrand, où les habitations sont enclavées entre les boulevards Léger et Langelier. Depuis 10 ans, les murales «Nous sommes ici» rappellent que ces jeunes existent.
Parti trop tôt
Depuis que Jayson Colin a été assassiné près de l’école Lester B. Pearson, le 10 août dernier, le choc et l’incompréhension persistent parmi les locataires.
Jayson a vécu une bonne partie de sa vie dans un des appartements de Place Normandie avec sa mère, Ronide Casséus, que plusieurs ont vu se démener pour donner des occasions aux jeunes des HLM, la plupart du temps bénévolement.
«Je ne comprends pas comment un jeune qui a été élevé dans le coin, impliqué dans les activités, qui ne fait de mal à personne, a pu mourir comme ça», laisse tomber Mme Calisthene, encore sous le choc. «On avait plein d’idées pour améliorer Montréal-Nord. Ça vient tout chambouler.»