Carmel-Antoine Bessard: décortiquer le bal haïtien sans bouder son plaisir
«Une femme qui danse le konpa peut-elle guider un homme?». La réponse de Carmel-Antoine Bessard est sans équivoque: non. L’ingénieure et écrivaine nord-montréalaise consacre un essai d’environ 80 pages à la culture du bal haïtien, une manière détournée pour elle d’aborder les relations entre hommes et femmes.
«La pilule est plus facile à avaler quand on danse, parce qu’on a du plaisir», dit-elle en rencontre avec Métro, dans les jardins de l’école hôtelière Calixa-Lavallée.
Avec Culture du bal haïtien: perspective de femme, elle veut faire découvrir cette culture aux néophytes et aux jeunes générations, peut-être plus mal à l’aise avec cette «grande sortie», espace de «marronnage» où les paillettes et les bijoux ̶ vrais ou faux ̶ sont présents, selon ses propres mots.
«Pour mieux en tirer parti, c’est bien de savoir comment jouer son jeu», explique cette passionnée de danse. Pour elle la première, la position de soumission n’est pas facile. Mais qu’à cela ne tienne, elle a trop de plaisir au bal pour changer les règles.
C’est ça, le bal. Pour avoir mon plaisir, j’accepte. Sinon, je vais danser seule. Je n’ai pas le temps de changer ça en cinq ou dix minutes. Il faut vivre et s’amuser.
Carmel-Antoine Bessard, écrivaine
Se laisser guider
Née à Montréal de parents haïtiens, Carmel-Antoine Bessard a écrit son ouvrage Culture du bal haïtien: perspective de femme au début de la pandémie, pause forcée de bals. «Année 2020, tu ne réussiras pas à nous faire oublier nos moments de grâce sur la piste de danse», peut-on lire en préface.
Son intention est purement égoïste. «Mieux comprendre ce plaisir de se dandiner sur cette musique tantôt sirupeuse, tantôt virevoltante», écrit-elle.
Le volet sérieux se penche sur l’analyse de l’espace du bal ayisyen et du positionnement psychosocial de la partenaire, qui se résigne à vivre dans le regard de l’homme, dans une «subtile forme de soumission», peut-on lire.
Vient ensuite un volet humoristique où l’auteure dissèque la recette du konpa et ses ingrédients masculins selon un œil féminin: le «gars», le «basique», le «professeur», «l’exégète mélomane», le «matador suprême», l’«olympien», le «gracieux », etc.
Les niveaux de proximité sont aussi classés selon la distance entre les partenaires et le ressenti: du niveau 1 (0 cm, état fusionnel) au niveau 4 (pas de contact, mode solo).
En rire
Personne n’avait osé s’aventurer dans une telle analyse du bal haïtien, un terrain hasardeux puisque qu’il n’est que le reflet de la société patriarcale dans laquelle on vit, selon Carmel-Antoine Bessard.
«Moi j’ose. […] Je veux que les gens rient. Je ne veux pas qu’on soit en confrontation», souligne l’autrice.
En attendant la perspective de l’homme sur le sujet, elle ne se prive pas de la joie de danser sur du konpa, avec un plaisir encore plus assumé qu’avant.
Culture du bal haïtien: perspective de femme (Mayimelle)
Disponible à la bibliothèque de la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord, à la librairie Racine, à la librairie Euguélionne et à l’Espace littéraire Jacques Trouillot.