Ensemble Montréal souhaite une plus grande transparence du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et presse celui-ci à publier les données sur les crimes par armes à feu sur une carte interactive en ligne. La pertinence pour le public de cet outil n’est toutefois pas si évidente, clament des experts.
«Si on se fie sur l’expérience américaine où plusieurs villes ont des cartes très précises qui recensent les différents crimes, on se rend compte que c’est très cher pour un impact assez petit. La population ne consulte pas vraiment ces outils», affirme Rémi Boivin, directeur du centre international de criminologie comparée (CICC).
Lundi, l’élue d’Ensemble Montréal Christine Black déposait une motion au conseil municipal pour réclamer un investissement de 3 M$ dans l’est de Montréal pour la prévention des violences par armes à feu. La mairesse de Montréal-Nord en a également profité pour exiger une plus grande accessibilité des données sur ce type de crime pour la population.
Inspirée par le modèle torontois, Mme Black croit que la population gagnerait à recevoir davantage d’informations par rapport aux fusillades qui ont éprouvé son quartier au cours de la dernière année.
«Vaut mieux avoir l’information que de ne pas savoir. Ça permet d’avoir l’heure juste et de mettre de la pression sur les décideurs publics», souligne-t-elle.
Si la carte interactive de Toronto permet de géolocaliser les artères les plus touchées par la criminalité, aucune information ne contextualise les données offertes.
Les conclusions que peut tirer la population de cette carte sont minimes et probablement inadéquates, d’après le spécialiste en armes à feu et chercheur associé à l’Observatoire de la Chaire Raoul-Dandurand, Francis Langlois.
«Sans côté éducatif, sans présenter les indices sociaux économiques qui favorisent la criminalité, je vois mal comment la population peut en retirer quelque chose».
La carte, un enjeu de sécurité?
L’accessibilité à ce type de données peut toutefois accroître le sentiment de peur chez les citoyens, selon M. Langlois. Le chercheur redoute les effets néfastes d’une initiative de la sorte sur l’économie des arrondissements les plus touchés.
«On peut créer l’impression d’être sur un champ de bataille : cela peut décourager les opportunités d’affaires. Faut pas faire peur aux gens non plus», affirme-t-il.
Outre le peu d’impact qu’elles ont sur le sentiment de sécurité des citoyens, Rémi Boivin entrevoit également le risque que ces données soient utilisées à des fins malicieuses. Des acteurs politiques pourraient s’en servir à des fins partisanes, prévient-il.
«Le fait que l’opposition propose cette initiative, c’est déjà évocateur. Je n’ai rien contre l’idée de diffuser de l’information, mais il faut se demander à qui ça sert».
3 M$ pour la lutte
La motion déposée par Mme Black faisait la demande d’environ 600 000$ pour son quartier, mais aussi pour Rivière-des-Prairies, Ahuntsic, Saint-Michel et Saint-Léonard. Éprouvé par la violence par armes à feu, le nord-est de l’île nécessite une «aide urgente et rapide» selon Mme Black.
«Il faut une réponse à court terme en attendant l’intervention d’Ottawa. En libérant des fonds, nos organismes pourront démarrer les embauches», affirme la mairesse.
À Montréal-Nord, trois fusillades ont éclaté le 28 août, quatre le 28 novembre et deux autres le 30 janvier. À Saint-Léonard, l’assassinat de la jeune Meriem Boundaoui au début du mois de février a ravivé le débat sur la violence par armes à feu.