La douleur causée par la mort violente de George Floyd est ressentie jusqu’à Montréal-Nord, là où les interventions policières funestes ont coûté la vie à Fredy Villanueva et Bony Jean-Pierre. Des citoyens de l’arrondissement qui coordonnent des manifestations veulent faire comprendre que le problème du profilage existe ici et aujourd’hui.
«On va pas se mentir, ça se fait aussi au Québec, martèle la militante Anastasia Marcelin, qui coorganise la manifestation du 7 juin qui aura lieu dans plusieurs villes québécoises. C’est plus caché, c’est plus subtil, plus hypocrite, mais c’est là.»
Comme elle, d’autres Nord-Montréalais engagés, comme le cofondateur de Hoodstock Will Prosper, coordonnent la mobilisation derrière le mouvement. M. Prosper coorganisait la manifestation tenue hier qui a rassemblé environ 10 000 personnes.
«Tu vois que notre message porte au-delà de Montréal-Nord. C’est une grande force qu’on a réussi à avoir de faire véhiculer ces messages d’injustice. La population les reconnait de plus en plus et soutient nos initiatives.» -Will Prosper, cofondateur de Hoodstock
Montréal-Nord interpellé
La mort de George Floyd, tué par un policier à Minneapolis, a provoqué une vague d’indignation qui dépasse les frontières américaines. Cette tragédie peut ramener de douloureux souvenirs aux Nord-Montréalais. En 2008, la mort de Fredy Villanueva, tué par balles par un policier, avait provoqué une émeute dans le quartier qui criait à l’injustice. L’événement a été un point tournant dans l’histoire du quartier.
«Non seulement c’est important de dire qu’on est solidaire avec ce qu’on voit aux États-Unis, mais aussi de dire qu’on a des enjeux ici qui sont profonds et problématiques, que Montréal-Nord a vécu particulièrement. De ne pas oublier qu’il y a des gens qui sont morts de violences policières», soulève M. Prosper, qui pointe également vers la mort de Bony Jean-Pierre en 2016, dossier dans lequel un policier a été accusé pour homicide involontaire.
Ancien policier, Will Prosper a été choqué par la façon dont les forces de l’ordre sont intervenues auprès de George Floyd.
«C’est la culture policière qui fait en sorte qu’on voit un de nos collègues en train de tuer une personne, et on considère plus notre collègue que la personne qui est en train de se faire tuer. Ça pour moi, c’est la plus grosse problématique dans cette vidéo-là», décriant du même coup la technique d’immobilisation avec le genou dans le cou, une pratique proscrite par la plupart des corps policiers.
Solutions attendues
À Montréal-Nord, le profilage racial a encore des conséquences «à long terme» sur des personnes et leurs proches, soutient Anastasia Marcelin.
«Nos hommes sont en prison. On doit élever nos enfants sans leur père. Ils tombent en dépression. Ils n’arrivent pas à trouver des emplois stables parce qu’ils ont des casiers judiciaires. Ce n’est pas une joke ce qui se passe. On en a ras le bol.»
Au printemps, une clinique juridique pour les personnes racisées a vu le jour à Montréal-Nord. L’un de ses objectifs est de lutter contre le profilage racial dans l’arrondissement.
«Les gens ne connaissent pas assez leurs droits, explique Marie-Livia Baugé, fondatrice de la clinique et avocate. On veut faire connaître aux personnes de Montréal-Nord ce que les policiers peuvent et ne peuvent pas faire. On est en train de préparer des formations qu’on va donner aux jeunes.»
Mais la connaissance de ses droits a des limites, reconnait-elle. «Il y a beaucoup d’enjeux qui doivent être réglés par les policiers et gouvernements, croit-elle. Par exemple, donner des caméras aux policiers, mais aussi leur donner de vraies formations. Il y a une idéologie qui fait que quand quelque chose de mal se passe au sein de la police, personne ne va dénoncer. Ils se soutiennent entre eux.»
Lors de la séance du conseil d’arrondissement de juin, les élus vont observer une minute de silence sera dédiée à George Floyd