Lassées de se faire interpeller, siffler, klaxonner, suivre ou insulter par des inconnus, des résidentes d’Hochelaga dénoncent, sur les réseaux sociaux, le harcèlement de rue. Des organismes appuient leur combat pour que la société mette fin à cette violence ordinaire, laquelle semble amplifiée depuis le début de la pandémie.
«Comme la plupart des femmes, ça m’arrive de me faire siffler, klaxonner et interpeller dans la rue par des inconnus. Pis là depuis quelques temps on dirait que c’est pire, ça m’arrive « legit » à chaque fois que je sors mon chien le soir […]», a publié Marie Hel sur le groupe Facebook «Hochelaga MON Quartier», dimanche soir. En seulement vingt-quatre heures, son message a reçu plus de 220 commentaires.
«Merci de soulever le point, je pensais que j’étais la seule à trouver que c’était pire cette année !», seconde une internaute. «Je le vis à tous les jours…», ajoute une autre. «Des affaires […] de même ça m’est arrivé je ne sais plus combien de fois. Moi aussi, j’ai la chienne d’aller sortir mon chien le soir. J’ai la chienne de prendre le métro en short, en jupe, en robe», dit une troisième. Ainsi de suite, des dizaines de témoins partagent leur ras-le-bol.
La députée fédérale d’Hochelaga, Soraya Martinez Ferrada, a partagé la publication de Mari Hel. «Il faut soutenir toutes les personnes qui ont le courage de dénoncer et donner la force de ne pas accepter ces situations, dit-elle à Métro. Il y a encore du chemin à faire mais la première étape c’est d’en parler. De dire c’est quoi le harcèlement de rue et pourquoi il faut le traiter comme tel.»
Le harcèlement de rue cible majoritairement des femmes dans les lieux publics et les transports en commun. Il se traduit par des commentaires ou des comportements sexistes, dégradants, intrusifs et non-désirés par la victime, créant un sentiment d’insécurité et de méfiance.
«Les harceleurs s’organisent souvent pour agir sans témoins. En ce moment, il y a moins de gens dans la rue alors ça peut expliquer pourquoi ils se permettent encore plus d’accoster des femmes. Certains se donnent même le droit de ne pas respecter les règles de distanciation sociale. Ils jouent avec le sentiment de peur généré par la pandémie», explique Audrey Simard, organisatrice communautaire au Centre d’Éducation et d’Action des Femmes de Montréal (CÉAF), qui a développé un Comité de lutte contre le harcèlement de rue.
Reconnaitre et sensibiliser
Le CÉAF lutte depuis des années pour que le harcèlement de rue soit davantage reconnu par les autorités. À Montréal et au Québec, aucune étude ne documente ce phénomène. Et le SPVM ne comptabilise pas les plaintes des victimes dans une catégorie à part.
«On dit souvent aux femmes que l’abolition de ce problème est entre leurs mains. Mais quand elles dénoncent, elles ne sont pas prises au sérieux ! C’est à la société de développer des ressources compétentes pour les soutenir, à commencer par de véritables systèmes de plaintes», dit Audrey Simard.
Sans identification officielle du problème, de nombreuses victimes de harcèlement de rue ne prennent même pas conscience qu’elles le sont. «Beaucoup de femmes pensent que c’est normal, que ça fait partie de la vie. Les agresseurs se sentent totalement légitimes de les harceler, car leur comportement est socialement accepté», ajoute Audrey Simard. Elle rappelle que cette situation peut avoir de lourdes conséquences psychologiques pour les victimes.
Le SPVM a récemment accru sa présence dans la rue pour inciter les gens à demander de l’aide et dissuader les harceleurs. Au poste de quartier 23, lequel couvre le secteur d’Hochelaga, deux duos de cadets à pied sont déployés actuellement, ainsi que trois duos d’agents à vélo.
«On a tous un rôle à jouer dans cette problématique, car garder le silence revient à cautionner», dit Gabrielle Caron, intervenante sociale, au CALACS Trêve pour Elles, un organisme luttant pour enrayer les agressions à caractère sexuel.
Le CALACS mène des interventions dans toutes sortes d’établissements scolaires, institutions et entreprises pour y dispenser des ateliers de sensibilisation. «C’est très important, notamment auprès des jeunes. On se rend compte qu’il y a une utilité majeure à leur parler d’éducation sexuelle et de points spécifiques comme la culture du viol et le consentement. Les discussions qui en ressortent et leur façon de déconstruire les préjugés donnent de l’espoir», dit-elle.