Une activité pour les enfants animée par la drag-queen Barbada de Barbades a reçu une déferlante de haine sur les réseaux sociaux, alors que la bibliothèque de Dorval souhaitait célébrer le mois national de la Fierté.
Publiée il y a une semaine, l’annonce de la bibliothèque sur Facebook a été repartagée plus de 100 fois et commentée près de 600 fois.
Si certains en ont profité pour applaudir l’initiative, d’autres se sont dits choqués qu’une drag-queen puisse raconter des histoires à des enfants. Certains ont multiplié les commentaires désobligeants, estimant que cette activité «anormale», voire «écœurante», influencerait l’orientation sexuelle du jeune public.
À présent, il n’est plus possible de commenter la publication. «On a tout dit ce qu’on avait à dire», estime le chargé de communication de la Cité de Dorval, Sébastien Gauthier.
«On était estomaqués»
Pris de court, le chargé de communication a pris la relève sur la page Facebook de la bibliothèque pour répondre aux messages haineux, et même les supprimer. Ne pouvant plus commenter la publication, certains internautes ont même assailli de commentaires d’autres publications de la bibliothèque et envoyé des messages privés, parfois des menaces. «On était estomaqués», admet Sébastien Gauthier.
Des captures d’écran des identités des employés (doxxing) ont été publiées sur Facebook, signalant à la bibliothèque que ceux-ci pouvaient être en danger.
La drag-queen Barbada n’aurait pas été directement ciblée par ces menaces, mais la police est tout de même intervenue. Le SPVM était présent à l’extérieur de la bibliothèque pour assurer la sécurité de tout le monde. La bibliothèque de Dorval avait même hésité à annuler l’activité.
«On a décidé de poursuivre l’activité parce qu’on croit à des valeurs comme l’inclusion et l’acceptation de tout le monde», explique M. Gauthier.
La définition du préjugé
D’après Barbada, «c’est très rare qu’on ait ce genre de commentaires», mais ce n’est pas choquant. Pour l’artiste, les réactions négatives sont «la définition du préjugé». «Qu’ils viennent à l’activité», leur répond-elle.
Dans la vie de tous les jours, Barbada, de son nom civil Sébastien Potvin, est professeur de musique à l’école primaire et sait s’adapter à un public d’enfants. Il rappelle qu’il n’est pas là pour faire un spectacle de drag, mais bien pour lire une histoire à des enfants de la maternelle.
Finalement, les menaces ne se sont pas concrétisées à Dorval, et l’activité a connu beaucoup de succès. Les deux séances de l’heure du conte étaient pleines, avec un total de 80 inscrits. Il faut dire que les réactions positives sur Facebook surpassaient en nombre les remarques désobligeantes ou insultantes. La bibliothèque de Dorval a été félicitée plusieurs fois pour son ouverture d’esprit, et beaucoup de parents ont qualifié l’activité d’«extraordinaire».
Controverse aux États-Unis
Par ailleurs, cette histoire s’inscrit dans un mouvement plus global d’intolérance et d’amalgames.
Aux États-Unis, plusieurs drag-queens ont vu leur heure du conte annulée, et des protestations ont éclaté. Le 12 juin, des membres des Proud Boys ont interrompu une heure du conte et prononcé des propos insultants dans une bibliothèque située en Californie. Le lundi 6 juin, un parlementaire texan a annoncé son intention de déposer un amendement sur l’interdiction d’accès des mineurs aux spectacles de drag, quelques mois après la loi «Don’t Say Gay» signée par le gouverneur de la Floride Ron DeSantis sur l’éducation sexuelle à l’école. Des drag-queens à Saint John au Nouveau-Brunswick ont aussi été victimes de haine sur les réseaux sociaux.
Heureusement, à Dorval, un seul manifestant est venu devant la bibliothèque, mais avec un drapeau arc-en-ciel en soutien à la communauté LGBTQ2+.