À l’instar de plusieurs Montréalais, Lucam Chauny a pris part aux actions qui se sont déroulées la veille du jour national des déménagements afin de dénoncer les évictions illégales. Des résidents de l’immeuble où il habite ayant été informés, comme lui, que les nouveaux propriétaires souhaitent racheter les baux en vue de réaliser des travaux, les locataires verdunois ont décidé de se rallier pour faire valoir leurs droits.
«J’ai emménagé dans cet appartement dès que je suis arrivé à Montréal, en 2012. Ça fait neuf ans et je n’ai pas changé d’endroit depuis. Alors vous pouvez imaginer que, mon loyer, il est beaucoup plus bas que le prix courant», souligne Lucam Chauny.
À aucun moment depuis son premier bail signé à cette adresse il n’a manifesté son intention de quitter son logement. Relouer une fois de plus allait de soi.
«L’endroit me plaît énormément. Je suis tout proche de la rue Wellington qui est très sympa. Je peux faire mes courses en quelques minutes dans les magasins locaux. Je n’ai vraiment pas envie de déménager», assure l’enseignant de trente-quatre ans.
Or, en janvier dernier, l’immeuble dans lequel il loue un logement a été vendu à de nouveaux propriétaires. Quelques mois se sont écoulés avant qu’on ne vienne frapper à sa porte, en mai.
«Un monsieur m’a dit que les nouveaux propriétaires voulaient faire de gros travaux de rénovation dans le bâtiment, donc que je ne pouvais pas rester. On me proposait de racheter mon bail, de m’aider financièrement à trouver un autre appartement et de contribuer aux frais de déménagement, raconte M. Chauny. Le message était clair : on veut faire des rénovations majeures et on voudrait que les appartements soient vides.»
Sur la dizaine d’unités que compte le multilogement, plus de la moitié des locataires ont été contactés dans l’intention de racheter les baux. Parmi eux, certains sont installés depuis longtemps et d’autres ont emménagé plus récemment.
«La plupart du temps, la personne ne choisit pas de quitter son logement. Elle est plutôt sous le coup d’une menace d’éviction illégale. Les propriétaires utilisent la peur, l’intimidation et le harcèlement. Ils divisent les locataires et leur offrent des compensations qui ne leur permettent pas de se reloger adéquatement puisque les loyers réellement abordables sont de plus en plus rares.» -Steve Baird, directeur du CACV.
S’outiller
Celui qui n’était familier qu’avec peu de résidents de son immeuble il y a quelques semaines, a rapidement tissé des liens.
«On s’est très vite réuni pour être certain que tout le monde était au courant de ce qui se passe dans le bâtiment et avait accès à la même information. Assez tôt, on s’est dit qu’on allait sans doute avoir besoin d’aide, parce qu’on ne connaît pas tout. On a donc fait appel au Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun (CACV) pour nous fournir de l’information et nous accompagner dans nos démarches», indique Lucam Chauny.
Les locataires ont été encouragés à participer aux actions pour contrer les évictions illégales qui se sont tenues à Verdun et dans d’autres arrondissements. Des bannières ont ainsi été déployées, dont celle portant le slogan «J’aime mon logement. Ensemble contre les rénovictions», apposée sur la façade du bâtiment qu’ils occupent.
Bien qu’elle ait été retirée dans les 24 heures suivant son installation, M. Chauny estime que la bannière n’est pas passée inaperçue. «Le fait qu’elle a été enlevée aussi vite montre que ça dérange vraiment. Et puis c’est aussi un message de solidarité, parce qu’on sait qu’il y a énormément d’endroits dans le quartier et ailleurs où il se passe la même chose.»
Reste à savoir si cette visibilité servira la cause. Le Verdunois a bon espoir. «Jusqu’à maintenant, personne n’est parti.»
Au-delà d’unir ses forces, il rappelle qu’il est important de s’informer pour être en mesure de se défendre. «Certains propriétaires tirent avantage du fait que les locataires ne connaissent pas leurs droits. J’encourage les gens à se renseigner, à être solidaires entre eux et à entrer en contact avec des groupes tels que le CACV pour se faire accompagner.»
Des comités logement et associations de locataires montréalais, membres du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), ont mis en œuvre une série d’actions contre les évictions illégales et pour le logement social, le 30 juin à travers la métropole.