Le Comité d’action des citoyens de Verdun (CACV) appelle les gouvernements à agir d’urgence pour aider les locataires, après le rapport du coroner laissant croire qu’un avis d’éviction a influencé le suicide d’un homme de 73 ans, forcé à quitter le logement qu’il habitait depuis une quarantaine d’années.
Le rapport de la coroner Marie-Pier Charland soulève qu’aucun antécédent pertinent n’était lié au décès de Jean*. Il habitait son appartement depuis environ 45 ans lorsqu’un nouveau propriétaire a acquis l’immeuble dans lequel il vivait.
En décembre 2018, le Verdunois a reçu un avis d’éviction. Il devait quitter les lieux d’ici la fin de juin 2019. «Après la réception de cet avis, Jean en a parlé avec [un] proche. Alors que ce proche lui expliquait différentes solutions possibles quant à l’avis et son logement, Jean lui a déjà exprimé de ne pas s’inquiéter, qu’il n’aurait pas besoin d’un nouvel endroit pour rester», peut-on lire dans le rapport d’investigation du coroner.
Il est interdit d’évincer un locataire âgé de plus de 70 ans qui vit dans son logement depuis au moins dix ans et qui possède un revenu lui permettant d’être admissible à un logement à loyer modique, selon la loi.
Le rapport indique que Jean a perdu beaucoup de poids à la suite de la lettre d’éviction. Son attitude avec le propriétaire a semblé changer et il avait «le moral dans les talons».
«Selon le proche qui a découvert la dépouille […] celui-ci était un homme qui paraissait très heureux jusqu’à la réception de l’avis [d’éviction] à la suite de quoi, tout aurait basculé.» Extrait du rapport du coroner.
Environ deux semaines avant son décès, le septuagénaire a remis une lettre au nouveau propriétaire indiquant qu’il allait mettre ses affaires en ordre puisqu’il s’inquiétait de sa santé. On apprenait dans La Presse que le propriétaire n’a jamais envisagé qu’un tel drame puisse se produire à la suite d’une reprise de logement et qu’il en était «profondément attristé.»
Urgence d’agir
Le CACV, dont la mission est de défendre les droits des locataires, affirme qu’il y a un manque de mesures de protection des locataires face aux manœuvres d’éviction des propriétaires. Des engagements concrets de la part des gouvernements pour améliorer la situation, considère-t-on.
Semaine après semaine, le comité est témoin de locataires en «grande détresse psychologique» face aux tentatives d’éviction.
Selon le Code civil du Québec, la majorité des locataires ont le droit de rester dans leur logement. Ce droit est toutefois difficile à défendre en raison des mécanismes de protection juridiques, que le CACV juge insuffisants pour contrer les manœuvres de reprise d’un logement.
«Dans le contexte de la pénurie de logements à Verdun, de la flambée du prix des loyers et des évictions abusives de locataires de plus en plus communes, le manque d’action de la part des gouvernements quant à la crise du logement est intenable», peut-on lire dans la missive du CACV.
L’organisme demande que le gouvernement provincial reconnaisse la crise du logement et qu’il établisse un contrôle obligatoire des loyers. Il réclame une «amélioration substantielle» des protections contre les évictions abusives, ce qui passe entre autres par un contrôle des conversions en copropriétés indivises.
Le CACV veut aussi que Verdun protège les locataires, en interdisant les fusions dans les bâtiments de quatre logements et moins. La réglementation actuelle de l’arrondissement cible les immeubles de cinq logements et plus.
La Ville de Montréal doit exercer son droit de préemption afin d’acquérir des terrains pour des logements sociaux dans le secteur Dupuis-Hickson, à Verdun, soutient le comité.
Il juge que cette tragédie aurait pu être prévenue et qu’en ce sens, l’action urgente des gouvernements est de mise.
Jean* est un nom fictif pour préserver l’anonymat du défunt
Pour obtenir du soutien psychologique, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un proche, vous pouvez appeler 24h/7 le 1866 APPELLE (1 866 277-3553)