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Maison Lapointe : les propriétaires ne savent plus à quelle porte cogner

La maison Lapointe a été bâtie par les fils d'Armidas Lapointe, ancien maire de Longue-Pointe. Propriétaire terrien, plusieurs maisons comme celle-ci meublaient le secteur. Le 8221 Notre-Dame Est est l'unique vestige qui reste de cette époque.

La maison située au coin des rues Notre-Dame et Liébert, d’une valeur historique «significative», tombe en ruine. Faute d’argent pour effectuer les rénovations majeures qui s’imposent, ses propriétaires veulent s’en départir. Or, en raison des règlements de l’arrondissement, tous les projets de développement proposés par les acheteurs potentiels se sont butés à un refus.

Si la maison Lapointe, presque centenaire, avait été bien entretenue au fil des décennies, elle pourrait être un joyau du quartier. Mais la réalité est tout autre.

Sa façade côté ouest a été arrachée; les murs intérieurs craquent, ses corniches sont délabrées et ses fondations s’enfoncent dans le sol argileux.

Dans le quartier, les enfants murmurent qu’elle est hantée. Malgré la légende urbaine, la maison Lapointe n’est pas occupée par des fantômes. Mais ses propriétaires disent vivre un cauchemar.

Hélène et François Petitjean soutiennent avoir investi beaucoup de temps et d’argent pour préserver minimalement cette maison qui a déjà appartenu à leurs parents.

Des travaux qui n’en finissent plus

Plusieurs des travaux que les propriétaire affirment avoir effectués auraient été réalisés par M. Petitjean lui-même, notamment le colmatage du toit et la rénovation des murs à l’étage. L’installation de quatre piliers de ciment au sous-sol et le remplacement de la plomberie endommagée par l’affaissement ont également été nécessaires, tout comme des travaux de réparation des balcons, pour lesquels un permis a été octroyé par l’arrondissement en 2004.

Par mesure de sécurité, les Petitjean ont également engagé des maçons pour défaire la brique du côté ouest, car celle-ci menaçait de s’effondrer.

Les propriétaires n’ont toutefois pas été en mesure de fournir des factures pour prouver tous les travaux, ceux-ci s’échelonnant sur dix ans.

« On ne voulait pas s’en débarrasser; on le fait parce qu’on n’a plus le choix.»

— Hélène Petitjean, copropriétaire de la maison Lapointe

Les travaux nécessaires à la restauration dépassent la valeur de la maison, estimée à 98 000 $, sans le terrain. Selon les propriétaires, il en coûterait 800 000 $ simplement pour la redresser. Bien que ce montant n’ait pas été confirmé par l’arrondissement, le Comité consultatif en urbanisme (CCU) concède, dans un document du 3 juillet 2018, que le maintien de l’immeuble «engendre des coûts d’entretien importants pour le propriétaire».

À contrecœur, les Petitjean ont mis en vente leur propriété il y a quatre ans, à bout de ressources pour l’entretenir.

Vendre? Pas si simple

Dans les années 90, le zonage a été changé afin de n’autoriser que du développement commercial. La maison conserve son droit acquis tant qu’elle est toujours debout, aussi croche soit-elle.

Les Petitjean ont essayé d’obtenir des ententes pour du développement commercial, tel qu’exigé par le changement de zonage. «Les offres se font refuser parce que le terrain est trop petit», explique Mme Petitjean.

«J’aimerais mieux du résidentiel parce que c’est beau ici, on est bien, on aime le quartier. Je trouverais ça tellement dommage d’en faire un commerce, alors qu’il manque de logements à Montréal.»

— Hélène Petitjean, copropriétaire de la maison Lapointe

Entretemps, des promoteurs ont présenté des projets résidentiels. Mais construire des logements sur le site va à l’encontre de la vocation commerciale exigée par l’arrondissement. Trois projets ont ainsi été refusés par le CCU.

La résistance vient d’une volonté de conserver cet immeuble significatif pour le quartier.

«Il s’agit d’un bâtiment patrimonial à préserver», affirme l’administration Lessard-Blais. L’arrondissement souhaite inciter les propriétaires à entreprendre des travaux d’entretien pour «préserver l’intégrité structurale» de la maison. Mais bien que le maire ait utilisé le terme «patrimonial» en conseil d’arrondissement, elle ne bénéficie pas de ce statut, donc ne jouit pas d’une protection particulière.

L’arrondissement n’offre aucune subvention ou programme pour aider les propriétaires d’immeubles significatifs.

Valeur historique

Historien et consultant bénévole à l’Atelier d’Histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, William Gaudry cache mal sa colère lorsqu’il est question de la maison Lapointe. «Il y a eu un rendez-vous manqué selon moi avec cette maison, il aurait dû y avoir des pressions sur le gouvernement provincial pour reconnaître cette maison comme patrimoniale dès les années 1990», soutient-il.

L’historien explique que la maison est la dernière debout de plusieurs bâtiments qui avaient été construits par la famille Lapointe, qui est à l’origine du développement du quartier Longue-Pointe

«Dans l’état où elle est présentement, je crois qu’elle est irrécupérable», déplore M. Gaudry, qualifiant la situation de tragique. Il considère que «les règles doivent changer» pour protéger l’histoire et qu’«il devrait avant tout y avoir un inventaire patrimonial dans le quartier» afin d’être en mesure de faire une politique sur le patrimoine.

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