Après une pause forcée l’été passé, le festival de musique classique Ahuntsic en fugue revient pour au moins deux concerts. Clément Canac-Marquis, fondateur de cet événement culturel, présente l’esquisse du programme à venir et fait le bilan d’une année d’arrêt. Entrevue.
Qu’est-ce qui explique ce retour timide?
On a décidé, conformément aux directives de la Santé publique et à la progression de la vaccination, de tenir deux concerts. Ce sera à l’église de la Visitation le 26 août et à la salle Marguerite-Bourgeoys du Collège Regina Assumpta, le 28 août. À l’intérieur, cela nous assure un meilleur contrôle sur la sécurité sanitaire et l’environnement.
Mais on annonce des allègements progressifs et le passage en zone orange…
Au moment où on se parle, nous ne pouvons pas organiser des rassemblements. Est-ce qu’il y’aura des possibilités de faire un concert à l’extérieur? Nous ne le savons pas.
Il est vrai aussi que deux concerts, c’est mieux que pas de concerts du tout…
Le message qu’on veut envoyer aux citoyens d’Ahuntsic-Cartierville, c’est dire que l’organisme Ahuntsic en fugue reprend vie. Cette petite édition permet de canaliser à nouveau l’énergie des bénévoles. On est très fier de dire qu’on repart. L’année de pandémie a été très difficile pour le milieu artistique et Ahuntsic en fugue ne fait pas exception.
L’année de la pandémie semble aussi avoir été un coup d’arrêt à un événement culturel qui prenait de plus en plus d’ampleur…
Pour le dernier Ahuntsic en fugue [en 2019] on était finaliste au prix Opus [prix québécois consacrés au domaine de la musique de concert]. On a créé une œuvre contemporaine en hommage aux couturières de Chabanel. On a eu aussi de grands concerts à l’extérieur avec l’Orchestre des berges d’Ahuntsic-Cartierville, l’OBAC. Il y avait des activités qui permettaient aux gens de se rassembler et de s’identifier au quartier. Ce qui est l’objectif d’Ahuntsic en fugue.
Qu’est-ce qui était prévu en 2020?
On avait au programme un grand événement autour de la neuvième symphonie de Beethoven dont on fêtait le 350e anniversaire. On visait un concert dans un parc avec quatre pianos à queue sur scène.
Les deux concerts qu’on propose cet été sont extraits de cette saison annulée. On le fait, parce qu’on l’avait promis aux musiciens. On a dû annuler 37 contrats de musiciens. Humainement, c’était très difficile. On avait dit aux artistes, aussitôt que la pandémie le permettrait, on reprendrait nos activités. C’est un engagement qu’on veut tenir.
Quelle a été la conséquence la plus dramatique de l’annulation de la saison 2020?
On a perdu des commanditaires privés. Heureusement, les subventions du Conseil des arts du Québec et du Conseil des arts de Montréal nous ont été réattribuées.
Pour autant, sortez-vous indemnes de cette période difficile?
Aujourd’hui, nous avons besoin de l’appui de l’arrondissement pour rebâtir notre assiette de commanditaires privés. C’est le travail qui nous attend. Il faudra ramener aussi le festival dans son format et revenir avec un grand événement extérieur en 2022.
Ce grand événement c’est un peu votre marque de fabrique.
Le grand concert d’Ahuntsic en fugue rassemble les gens dans un lieu de rencontre qui est le parc Ahuntsic. Avec la maison de la culture à côté, c’est le centre culturel de l’arrondissement. Nous le reconnaissons et nous pensons qu’il faut nourrir ce point de contact.
C’est aussi un privilège d’avoir un parc comme celui-là avec sa butte. Il faut qu’il serve. C’est un lieur de diffusion culturelle incroyable.
Votre autre particularité, ce sont les spectacles locaux.
Il s’agit aussi de se déployer avec des concerts plus petits. Dans notre cas, ils sont en rapport avec la réalité de chaque quartier.
Vous insistez beaucoup sur l’aspect local, mais je sais que les gens viennent de partout à vos spectacles.
Mais si on voulait en faire un festival montréalais et en faire la promotion sur toute l’île, on devrait multiplier le budget promotionnel par dix. Ce que nous avons adopté comme stratégie, c’est d’annoncer Ahuntsic en fugue à l’intérieur du territoire et faire des choses de qualité. En agissant ainsi, on fait parler de nous à l’extérieur. Le temps nous a donné raison. Aujourd’hui, c’est un festival qui est reconnu par le milieu de la musique et par les mélomanes. Les gens viennent nous voir de partout sans qu’on ait besoin de faire de la publicité.
Le festival met aussi en lumière un quartier au nord de la 40 dont on ignore le nom.
Ce qui célèbre l’arrondissement ce sont des initiatives culturelles. Cela commence par la maison de la culture qui fait un travail considérable et puis maintenant Ahuntsic en fugue.
J’ose croire que lorsqu’un secteur géographique génère de l’activité culturelle de qualité, cela contribue à son développement et pas seulement pour les mélomanes. Quand le milieu des affaires sait qu’il y a de la vitalité dans un secteur de la Ville, cela met en lumière un espace pour les investisseurs. Qui parlait de Chabanel au niveau culturel avant que l’on s’y intéresse? Regardez le Mile-End. L’intérêt culturel est corolaire du développement économique. On sait que Chabanel va se développer. Cartierville c’est aussi l’avenir avec le centre culturel et communautaire. Il y’aura une effervescence que les gens n’imaginent pas. Même si les foules ne viennent pas, le fait de savoir que ça existe, c’est déjà énorme.