Douceur hivernale: pas forcément une bonne nouvelle
L’hiver 2022-2023 se démarque déjà comme étant particulièrement doux. Pourtant, même si cela représente pour certains Québécois un répit par rapport aux hivers glaciaux habituels, cette douceur n’est pas sans conséquences.
Pour la période du 1er au 12 janvier, la température minimale moyenne à Montréal est de -12,5 °C et la température maximale moyenne, de -4,6 °C. Or, cette année, les températures enregistrées ont été respectivement supérieures de 7,7 °C et de 4,4 °C par rapport à ces normales de saison. La température la plus froide enregistrée a été -12,8 °C.
Pendant le mois de décembre 2022, le mercure s’est aussi situé entre 3 °C et 4 °C au-dessus des normales saisonnières. Des températures douces qui risquent de plus en plus de se répéter.
Des impacts sur la biodiversité marine
«Pour l’instant, il est dur de dresser des portraits ponctuels. Ce qu’on sait, c’est que le fleuve Saint-Laurent se réchauffe», révèle la biologiste marine Anne-Marie Asselin. Cette dernière est également directrice générale et cofondatrice de l’Organisation bleue, un organisme basé à Montréal qui œuvre à la protection de l’environnement, particulièrement des milieux aquatiques.
Mme Asselin constate une diminution de la couverture de glace. «La banquise protège les rivages, explique-t-elle. Or, on observe des eaux liquides à longueur d’année.» L’eau va alors ronger les parois et l’érosion va s’accélérer. La biologiste cite les Îles-de-la-Madeleine comme exemple d’un lieu où l’érosion est de plus en plus forte. Elle précise que ce phénomène concerne les rivières, le fleuve, l’estuaire et la mer.
L’érosion, accompagnée d’eaux de plus en plus chaudes, donc davantage oxygénées, et de plus en plus lumineuses, s’explique par la fonte de la banquise. Les milieux aquatiques sont ainsi un «univers en profond changement», observe Anne-Marie Asselin, qui indique que «ces écosystèmes sont le résultat de milliers d’années d’évolution et qu’ils changent rapidement».
Le fleuve Saint-Laurent changerait déjà. Lors d’une expédition en septembre et octobre derniers, l’Organisation bleue n’a pas observé de baleines, mais ne peut lier cette absence au réchauffement aquatique, au vu du nombre de facteurs. L’absence de mammifères marins inquiète la cofondatrice de l’organisme, alors que ceux-ci sont en haut de la chaîne alimentaire. Elle souligne que «le Québec a l’une des plus grandes réserves d’eau douce au monde» et donc que «notre impact est majeur».
Des défis pour l’agriculture
Olivier Sonnentag, qui enseigne la géographie à l’Université de Montréal, attire l’attention sur le fait que la douceur hivernale entraînera de la photosynthèse plus tôt pour la végétation. Cela aurait un impact sur les pratiques agricoles et les inondations, selon le chercheur.
Les inondations sont aussi influencées par le fait qu’il va pleuvoir davantage sur le couvert de neige, comme le note M. Sonnentag, mais également que les berges s’érodent, comme l’avance Anne-Marie Asselin.
De plus, si les inondations pourraient devenir plus fréquentes, les sécheresses aussi. «Il pourrait y avoir beaucoup de sécheresses en Montérégie, qui est le grenier du Québec, tandis que certaines zones seraient davantage inondées. Il faudra peut-être déplacer l’agriculture ailleurs, fait remarquer Mme Asselin. Mais tout ça est très dur à prédire.»
La fin d’une nation hivernale?
De son point de vue de Québécoise et non de chercheuse, Anne-Marie Asselin remarque aussi que ces hivers de plus en plus doux affectent le moral des habitants de la province. Au-delà des sentiments quant à un hiver moins froid et donc moins neigeux, les conséquences sont bien réelles pour les activités hivernales.
Ce 13 janvier, toutes les patinoires extérieures des arrondissements d’Anjou, de L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève, de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, du Plateau-Mont-Royal, de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, de Pierrefonds-Roxboro, de Montréal-Nord, de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, de Rosemont-La Petite-Patrie, de Verdun, de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension et de Lachine sont fermées. Les patinoires récréatives populaires des parcs Maisonneuve et La Fontaine sont également toujours fermées.
De nombreux sentiers de ski de fond à travers tous les arrondissements ne sont pas ouverts non plus. Et si les sentiers du parc du Mont-Royal, qui sont parmi les plus fréquentés, sont ouverts, on ne peut pas en dire de même pour ceux du parc Frédéric-Back.
Le ski alpin est aussi affecté par la douceur, surtout au sud de Montréal. Dans les Cantons-de-l’Est, seulement 37% de la superficie du mont Orford est ouverte aux skieurs, Owl’s Head affiche 13 pistes ouvertes sur 50 et le mont Sutton, seulement 9 sur un total de 60. Heureusement, la tempête de neige qui touche actuellement le Québec pourrait amener de précieux centimètres de poudreuse à ces stations.