Le PCQ cherchera à brouiller les cartes
Si c’est plutôt dans certaines circonscriptions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches que le Parti conservateur du Québec (PCQ) fait plutôt bonne figure dans les sondages, il représente aussi une menace pour les partis en avance dans l’ouest de l’île de Montréal. En effet, dans les circonscriptions où le Parti libéral du Québec (PLQ), Québec solidaire (QS) et la Coalition avenir Québec (CAQ) se livrent une bataille serrée, le PCQ pourrait venir brouiller les cartes.
Presque moribond à la suite des élections de 2018, avec un résultat de 1,5% des voix, le PCQ renaît tranquillement de ses cendres depuis la nomination de son nouveau chef, Éric Duhaime, qui succède à Adrien Pouliot. Et ce sont les mesures sanitaires, dont le fameux couvre-feu, imposées au tout début de l’année 2022 qui ont procuré beaucoup de points aux conservateurs de la province.
«La montée a coïncidé avec la vague Omicron et le nouveau confinement. En un mois, on a vu le PCQ monter d’à peu près 5% à 15% dans les intentions de vote en janvier», note Philippe J. Fournier, chroniqueur au magazine L’actualité et créateur de la plateforme de projection électorale Qc125. Or, à la veille du déclenchement des élections 2022, le parti de M. Duhaime plafonne, avec un score de 13% à 17%, selon les sondages.
Le parti fédéraliste, libertarien et axé sur les droits et libertés individuels, la privatisation et une déresponsabilisation maximale de l’État compte donc des appuis parmi les citoyens s’opposant aux mesures sanitaires ou encore antivaccins.
«Il faut tout ramener à l’individu, il devient responsable de son propre sort. L’État doit être réduit à son rôle de réguler, de protéger des droits et libertés, de s’assurer [de la qualité] des infrastructures. Pour les missions essentielles, on doit faire confiance à l’entreprise privée. C’est très clair sur la plateforme électorale du PCQ», souligne André Lamoureux, chargé de cours au Département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Et à Montréal?
En suivant l’itinéraire d’Éric Duhaime, on constate qu’il s’arrête à l’heure actuelle dans les circonscriptions où son parti a des chances de l’emporter, telles que Chauveau, Beauce-Nord et Beauce-Sud.
À Montréal, il pourrait aussi brouiller les cartes, cette fois indirectement. Il gruge de petits points dans Jacques-Cartier, à Beaconsfield, à Baie-D’Urfé et dans Robert-Baldwin notamment, où les libéraux sont habituellement rois et maîtres. C’est surtout dans Marquette, Verdun ainsi que Saint-Henri–Sainte-Anne, où on note une course à deux ou à trois partis, que les quelques points que risque de récolter le PCQ pourraient damer le pion au PLQ, à QS ou à la CAQ. André Lamoureux donne un exemple: «Dans Marquette, les prévisions sont de 35% pour la CAQ et de 36% pour le PLQ. Le PCQ, lui, obtient une intention de vote de 7%. Si ce dernier continue à progresser, il pourrait menacer le projet de la CAQ de s’emparer de Marquette.»
Le PCQ gagnerait donc des adeptes aussi dans la communauté anglophone de la grande région de Montréal, qui semble se satisfaire de moins en moins du PLQ. C’est effectivement ce que remarque Frédéric Castel, chargé de cours aux Départements de sciences des religions et d’études urbaines et touristiques de l’UQAM. «Il semble se dessiner un mouvement du côté des anglophones de la région montréalaise. Dans l’ouest, on peut vraiment le cerner. On a deux indicateurs: la baisse de l’appui au PLQ et la montée de l’appui au PCQ. Évidemment, les anglophones déçus du PLQ ne vont pas tous au PCQ et plusieurs francophones participent à la montée de ce dernier. Le taux d’appui du PCQ navigue autour de 6% à 9% dans l’ensemble de l’île de Montréal, et surtout à l’est. Or, dans cinq circonscriptions de l’ouest de l’île où la proportion d’anglophones dépasse les 40%, on note un taux d’appui se situant entre 8% et 13%.» Il s’agit de Robert-Baldwin, D’Arcy-McGee, Westmount–Saint-Louis, Notre-Dame-de-Grâce et Jacques-Cartier. Contre toute attente peut-être, le PCQ pourrait donc bel et bien changer la donne pour les autres partis à certains endroits bien précis de la province… dont l’ouest de Montréal.
«Il semble se dessiner un mouvement du côté des anglophones de la région montréalaise. Dans l’ouest, on peut vraiment le cerner.»
Frédéric Castel, Chargé de cours à l’UQAM