Acheter un condo sur plan: du rêve au cauchemar
Comme pour n’importe quel nouveau chez soi, l’achat du condo de ses rêves sur plan devrait être synonyme de bonheur. Si tout se déroule comme prévu pour la majorité des gens, il demeure des cas cauchemardesques, malgré une réforme de la loi. Délais de livraison, travaux incomplets et, surtout, frais imprévus figurent au tableau des mauvaises surprises.
Marie Demers s’est acheté un condo sur plan dans Rosemont, au printemps 2021. Elle devait au départ y aménager dès la fin de l’été, mais des retards ont reporté son entrée dans le logement à janvier dernier. Encore à ce moment-là, les balcons et la terrasse n’étaient pas finis, contrairement à ce qu’elle croyait.
Les travaux qui se sont poursuivis ont engendré une tonne de désagréments pour les nouveaux.elles propriétaires, qui avaient réussi à faire annuler une hausse annoncée de 5% du coût des condos peu avant leur prise de possession, une histoire rapportée par La Presse. Mais ce n’était pas la fin des frais inattendus.
Payer toujours plus
Entre les travaux non complétés et les déchets laissés par les ouvrier.ère.s qui jonchaient le sol, Marie Demers et ses voisin.e.s ont pensé que leurs frais pour l’entretien des espaces communs durant les premiers mois n’auraient pas à être versés.
«Dès que ça a commencé à aller un peu mieux, que les tapis étaient mis, on nous a demandé sept mois de frais à payer rétroactivement avec un délai d’une semaine, explique-t-elle. Tout le monde capotait! Les frais d’entretien sont même plus élevés que ceux projetés, alors que ce n’est pas fini.»
Heureusement, une réforme du droit de la copropriété avec le projet de loi 16 et le projet de loi 141, en décembre 2019, permet aux copropriétaires de se faire rembourser certaines sommes par le promoteur si les frais de condos sont 10% supérieurs à ce qui était inscrit dans le budget prévisionnel.
Le syndicat des propriétaires de l’immeuble où vit Marie Demers étudie les factures pour voir les recours possibles, mais rien n’effacera sa mauvaise expérience. «Non seulement on a payé des frais, mais en plus, il faudra en repayer pour s’en faire rembourser d’autres», souligne la jeune femme, qui déplore devoir ouvrir à nouveau son portefeuille pour faire valoir ses droits.
Une loi améliorée, mais pas sans faille
La réforme de la loi a assuré une meilleure protection aux acheteur.euse.s, dit la notaire Me Catherine Béland. D’abord, elle oblige les promoteurs à protéger entièrement les dépôts, évitant aux acheteur.euse.s de perdre des dizaines de milliers de dollars si le promoteur fait faillite ou abandonne la construction.
Ensuite, il y a ce recours possible de la part du syndicat des copropriétaires, si jamais le promoteur a sous-estimé les frais de condo d’au moins 10% dans son budget prévisionnel. Si on pense acheter un condo sur plan, on doit tout de même se prévoir un jeu dans notre capacité financière, puisqu’on n’a pas de recours face à une hausse de moins de 10%.
Finalement, la note d’information – qui contient le résumé de la déclaration de copropriété, l’extrait des règlements, le budget prévisionnel, les plans et les devis descriptifs – est maintenant obligatoire dans le cas d’un achat sur plan. L’acheteur.euse la reçoit normalement au moment de la signature du contrat préliminaire. Si on ne l’obtient pas, on peut demander la nullité de la vente ou réclamer des dommages et intérêts, mais on doit fournir la preuve d’un préjudice sérieux.
N’oubliez pas les juristes
Or, il est très important de lire et comprendre la note d’information, malgré que les documents soient très volumineux, puisqu’elle indique d’autres frais surprises qui pourraient être demandés aux acheteur.euse.s
Quelques centaines de dollars peuvent être exigés comme frais de démarrage du syndicat de copropriété, par exemple. Mais c’est aussi là qu’on va prévoir une possible hausse du prix des logements pour refléter une augmentation des coûts des matériaux, comme l’a découvert à ses dépens Marie Demers, qui n’aurait pas eu les moyens pour son condo si cette hausse n’avait pas été annulée.
Me Béland conseille donc vivement de faire appel à un.e juriste, que ce soit un.e notaire ou un.e avocat.e, pour faire l’étude de la note d’information, considérant que la loi prévoit une période de 10 jours après la signature du contrat préliminaire pendant laquelle l’acheteur.euse peut se retirer.
Souvent, les documents sont un peu durs à comprendre pour des non-juristes, donc se faire accompagner est un investissement qui peut en valoir la peine, parce que les juristes pourront soulever les points par rapport à une potentielle hausse des coûts où concernant les délais de livraison.
Me Catherine Béland
Plus d’un an après l’achat, la situation n’est toujours pas réglée pour Marie Demers, qui doit encore gérer la question des frais d’entretien. Son investissement aura engendré plusieurs coûts imprévus, mais lui aura aussi demandé énormément de temps et de recherches pour connaître ses droits.
«Tout ça a été extrêmement frustrant, alors que je devrais plutôt être heureuse d’avoir fait ce premier achat-là. Je ne le suis pas, avoue-t-elle. C’est tellement d’énergie et de stress qu’au bout du compte, tu te demandes si tu l’aurais fait, avoir su. Et la réponse, c’est non.»