À la (re)découverte du melon de Montréal
Ah ouin, on a un melon de Montréal? C’est sûrement ce que répondront les ami.e.s à qui vous irez flasher vos connaissances sur cette espèce patrimoniale qui connaît un regain de popularité depuis quelques années. Melon perdu, puis retrouvé, sa petite histoire fascine!
Un goût de revenez-y
Le melon de Montréal était très populaire dans les années 1920, au point où il se vendait à la tranche (et à grand prix!) dans les rues de New York et de Boston. Semblable au melon miel, il a un goût d’épices et tout spécialement de muscade.
Croisé avec le melon Banana, il a donné le melon d’Oka, plus facile à cultiver dans le climat québécois. Celui-ci s’apparente davantage au cantaloup, avec sa chair orange bien sucrée et parfumée, explique l’auteur, conférencier et semencier derrière les Jardins du Grand-Portage Yves Gagnon. «Mais ils n’ont pas la même peau: le cantaloup a une peau plus verte et avec des rainures, tandis que le melon d’Oka est un melon brodé.»
Perdu, puis retrouvé
«Le melon de Montréal a besoin de conditions climatiques vraiment particulières», explique Yves Gagnon. Bien qu’il ait besoin de beaucoup de chaleur, on réussissait à le cultiver dans un microclimat, quelque part entre ce qui est aujourd’hui le cimetière Notre-Dame-des-Neiges et l’autoroute Décarie. Mais avec sa culture capricieuse et l’étalement urbain, le fruit s’est perdu… jusqu’à ce que des graines soient retrouvées par le journaliste Mark Abley dans une banque de semences de l’Iowa. Sur 200 graines ainsi récupérées après plusieurs décennies, une seule a germé!
On a réussi à produire du melon de Montréal et de nouvelles semences, même si avec juste un plan, ce n’est pas idéal. Le melon de Montréal a donc été sauvé in extremis.
Yves Gagnon
Éclipsé par son descendant
Au début du 20e siècle, les moines de l’Institut agricole d’Oka ont développé un melon plus facile à cultiver. Mais le melon d’Oka s’est lui aussi perdu à la fermeture de l’institut, dans les années 1960, jusqu’à ce qu’un jardinier de L’Île-Bizard en retrouve des semences. Si l’histoire de sa redécouverte est moins rocambolesque, il est vite devenu le préféré des producteurs de plantes ancestrales. «C’est un melon très bien adapté au climat d’ici. Je dirais qu’il est devenu le melon patrimonial du Québec, plus que le melon de Montréal», estime Yves Gagnon.
Des héros sans cape
Le réveil de la popularité de ces deux espèces de melon s’explique facilement, croit Yves Gagnon. Les multinationales se sont approprié le commerce des semences et ont tendance à éliminer les plantes patrimoniales. Or, on a perdu 90% des cultivars dans le dernier siècle. Auparavant, des semencier.ère.s produisaient des cultivars ancestraux, mais cette pratique s’est perdue… jusqu’à ce que quelques héros de la biodiversité aient mis la main à la pâte. «Des jardiniers au courant de cette érosion génétique ont réagi en fondant des organismes dédiés à la conservation du patrimoine génétique», précise Yves Gagnon, qui fait ça depuis 30 ans.
Un cultivar, c’est une variété qu’on obtient par la sélection de plants qui présentent les caractéristiques qu’on désire. En croisant deux plantes, on obtient un hybride qu’on stabilise au fil des années par ce processus de sélection. Le cultivar est donc le résultat de cette hybridation.
Où les trouver?
Malheureusement, le melon de Montréal comme le melon d’Oka ne sont pas faciles à trouver. Les épiceries à grande surface n’en proposent pas et, à moins de tomber sur un.e petit.e producteur.rice qui les cultive et les vend dans un panier bio, il faut acheter des semences et s’armer de son pouce vert. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a désormais quelques dizaines de semencier.ère.s au Québec qui se consacrent à la préservation de diverses espèces de plantes patrimoniales. Plus besoin de se rendre jusque dans l’Iowa pour en trouver!