L’achat d’une maison est souvent présenté comme un objectif de vie important à atteindre pour les jeunes adultes, mais est-ce toujours réellement le bon choix? Des experts en finances expliquent pour qui investir dans l’immobilier est une bonne idée, et pour qui ce ne l’est pas.
« Le facteur décisif [pour acheter une maison] va être l’intérêt d’une personne à être propriétaire », lance d’entrée de jeu Marc-Olivier Desmarais, planificateur financier.
Il parle ici de l’excitation liée au fait de posséder une maison à soi et de pouvoir en faire ce que l’on veut. « Un locataire ne peut pas mettre le logement à son image, déplacer les murs, refaire la cuisine s’il ne l’aime pas… »
Il estime qu’il faut donc se poser la question : la satisfaction qu’on tire d’être propriétaire justifie-t-elle le coût supplémentaire qui y est associé?
Une maison : pas obligatoirement le meilleur placement
D’un point de vue purement économique, Marc-Olivier Desmarais ne croit pas qu’acheter une propriété soit nécessairement le meilleur choix, puisqu’il force à s’endetter.
« À travers des paiements hypothécaires mensuels, on doit rembourser du capital, mais on paie beaucoup d’intérêts. Il y a un discours qui veut qu’en payant un loyer, on jette de l’argent par les fenêtres, mais on en jette aussi en payant beaucoup d’intérêts à la banque », explique-t-il.
Toujours d’un point de vue économique, l’expert estime que l’achat d’une maison est un placement très concentré. « Si j’ai tout mon patrimoine dans ma maison et qu’il arrive quelque chose à ma maison, c’est tout mon patrimoine qui est affecté. » Mettre « tous ses œufs dans le même panier », c’est s’exposer à plus d’imprévisibilité, selon lui.
À l’opposé, en plaçant son argent dans le marché financier, Marc-Olivier Desmarais estime que l’on peut diversifier le risque. Si quelqu’un investit le même montant sur le marché financier qu’il le ferait sur une maison durant une longue période, ça va lui faire « un maudit bon fonds de pension ».
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Qui ne devrait pas acheter?
La personne qui veut avoir plus de liquidités à court terme ferait mieux de rester en appartement, croit Gabryel Laflèche, spécialiste en finances personnelles. « Louer un logement coûte à coup sûr moins cher que d’acheter une maison »… même si les loyers augmentent énormément ces temps-ci. Il rappelle qu’il y a les paiements d’hypothèque à considérer, mais aussi les frais d’entretien, les taxes municipales, les taxes scolaires, les réparations, le déneigement, etc.
Et toutes les économies faites en acceptant de rester locataire peuvent être placées dans des REER, CELI ou autres comptes non enregistrés, ajoute Marc-Olivier Desmarais.
Demeurer locataire est aussi idéal pour les gens qui n’aiment pas la sédentarité, estime Gabryel Laflèche. « La location offre le très gros avantage de pouvoir décider de ne pas renouveler son bail, et de déménager à très peu de frais. Une personne propriétaire doit engager d’importants frais pour vendre sa propriété et déménager. »
C’est également avantageux pour ceux qui ont besoin de paix d’esprit. « En location, tu n’as pas de responsabilité face au logement. Si un problème survient, ce n’est pas à toi de t’en occuper », souligne Marc-Olivier Desmarais.
Des simulations pour se donner une idée
À des fins de comparaison, Hardbacon, partenaire de Métro, a simulé l’achat et la location dans deux quartiers montréalais: St-Michel et le Sud-Ouest. Le prix des propriétés provient du site Centris.
Acheter ou louer à St-Michel
Scénario 1 : acheter une maison à St-Michel en 2023
En 2022, le coût moyen d’une maison unifamiliale était de 600 000 $ dans Villeray, St-Michel et Parc Extension. C’est donc le montant utilisé pour le calculateur. On prévoit une mise de fonds de 5,83%, soit 31 000 $, un amortissement de 25 ans et un taux d’intérêt de 5%. Le versement mensuel s’élève à 3 332$. Tous les frais de démarrage s’y ajoutent. On parle de 5 000 $ à 10 000 $. À ce prix-là, on n’a pas les moyens de faire de rénovations.
L’augmentation annuelle de la valeur de la maison est réglée à 3%, ce qui est dans la moyenne. Avec le coût des assurances et autres frais mensuels, le total par mois monte à environ 3 800 $. Après 25 ans, on obtient un actif total d’environ 1 million de dollars.
De quel revenu avez-vous besoin pour acheter une maison dans St-Michel?
Pour simuler cette situation, Hardbacon a utilisé un calculateur d’admissibilité hypothécaire. On aurait besoin d’un revenu brut de 104 000 $ pour obtenir un prêt hypothécaire. Dans cette simulation, la personne n’a aucune autre dette.
Scénario 2 : louer un appartement dans St-Michel et investir la différence
Supposons que l’on habite le même appartement de 4 pièces que l’on paie 950$ par mois, depuis cinq ans. Puisque notre salaire est de 104 000 $, on a les moyens d’épargner environ 2 850$ par mois. En effet, si on fait la différence entre le coût mensuel de 3 800 $ de la maison et le loyer de 950 $, on arrive à ce chiffre. En projetant un rendement de 5% par an, on aura accumulé plus de 1 500 000 $ dans 25 ans.
La difficulté de cette approche – qui, oui, est plus avantageuse dans ce scénario – est d’épargner et d’investir cette énorme somme tous les mois. Parions que peu d’êtres humains réussiront à ne pas se laisser tenter et l’utiliser pour consommer: voyage, resto, voiture, les tentations sont nombreuses!
Acheter ou louer dans le Sud-Ouest
Scénario 1 : acheter un condo dans le Sud-Ouest en 2023
Dans l’arrondissement Sud-Ouest, le prix médian d’un condo est de 455 000 $. Cette fois-ci, à taux comparable, la mensualité serait de 2 626$. On y ajoute des frais de condo de 150$ par mois, les assurances et les taxes pour un total de près de 3 000$. Après 25 ans, l’actif devrait avoisiner les 900 000 $.
De quel revenu avez-vous besoin pour acheter un condo dans le Sud-Ouest?
Pour assumer cette dépense, on doit gagner au moins 72 000 $ par an. En tenant compte du fait que l’on pourrait vouloir acheter une voiture ou obtenir un prêt pour autre chose dans le futur, vous devriez opter pour la prudence et viser une propriété moins dispendieuse. Être endetté au maximum, c’est stressant!
Scénario 2 : louer un appartement dans le Sud-Ouest et investir la différence
Les appartements de ce quartier sont plus dispendieux que dans St-Michel. Le loyer coûte 1 100$ par mois. Si on parvient à épargner la différence, la location demeure avantageuse, mais l’écart diminue en comparaison à St-Michel. Au bout de 25 ans, l’actif devrait franchir le cap du 1 million de dollars.
Si vous choisissez de rester en appartement, il ne sera pas trop tard pour changer d’idée et utiliser cette épargne impressionnante pour une mise de fonds! Une plus grosse mise de fonds réduit le prêt et épargnera peut-être l’assurance obligatoire de la SCHL. L’achat deviendra ainsi plus rentable.
Bref, pour répondre à la question acheter ou louer, une panoplie de variables entrent en jeu. En fin de compte, l’important est de ne pas seulement penser à son compte en banque, mais aussi à sa personnalité et au genre de vie qu’on veut vivre.
En collaboration avec Hardbacon.