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Handicap: rendre l’emploi accessible pour de vrai

Dessin représentant des personnes en situation de handicap
Photo: Wanlee Prachyapanaprai/iStock

Embaucher des personnes en situation de handicap et se targuer d’être inclusif, c’est bien. Mais encore faut-il comprendre leurs véritables besoins et accueillir leurs demandes d’accommodement. Des faux-pas demeurent. 

Quitter un poste faute d’accommodements alors qu’on a été recruté dans le cadre d’un programme d’embauche de personnes en situation de handicap. Se faire dire qu’on risque de blesser des collègues avec son fauteuil en se déplaçant dans le bureau. Perdre une occasion d’emploi parce qu’on doit terminer son quart de travail 15 minutes plus tôt que les autres pour prendre son transport adapté. 

Ces situations ont été vécues par des personnes en situation de handicap au sein d’entreprises ou de sociétés d’État qui se présentent pourtant comme des chefs de file en matière d’inclusion. Si ces cas ne sont pas la norme, ils montrent tout de même qu’il y a encore du chemin à parcourir pour faire comprendre la nécessité des demandes d’accommodements en milieu de travail.  

Martin Prévost est cofondateur et directeur de l’accompagnement chez Neuro Plus, un organisme qui fonctionne un peu comme une agence de placement pour personnes neurodivergentes. En 35 ans de travail pour l’inclusion des personnes en situation de handicap dans l’emploi, il a œuvré auprès de gens qui présentent toutes sortes de conditions, qu’elles soient cognitives ou physiques.  

«Parfois, on rencontre des blocages qui sont durs à expliquer, parce que ce n’est pas une grosse demande d’accommodement», constate-t-il encore aujourd’hui.   

Favoriser l’inclusion

S’il peut être difficile pour les personnes en situation de handicap de faire comprendre leurs demandes à leur employeur, il existe des ressources qui peuvent les aider. Certaines personnes choisissent de ne pas les utiliser pour toutes sortes de raisons, mais d’autres ne savent tout simplement pas qu’elles existent.  

Parmi ces ressources, on compte notamment l’organisme Moelle épinière et motricité Québec (MEMO-Qc). Nathalie Michaud, qui y est directrice des services d’intégration, explique que les cas où des demandes d’aménagement sont refusées restent anecdotiques… mais c’est bien parce que leur équipe d’intervenant.e.s est là pour aider les employeurs à les comprendre.  

«Les choses se passent généralement très bien et lorsqu’il y a des problèmes, notre intervention fait la différence», affirme-t-elle.  

Martin Prévost va sensiblement dans le même sens. «Ça arrive que l’employeur refuse, mais il a une obligation d’accommodement, dit-il. Il ne peut être relevé de cette obligation que pour un nombre de raisons assez limité.» C’est le cas, entre autres, quand l’accommodement menace la santé ou la sécurité de la personne qui le demande ou d’autres personnes, ou bien lorsqu’il implique un investissement financier déraisonnable.  

Accompagner les employeurs 

À propos du coût pour les entreprises, Maude Massicotte, agente de communication au Regroupement des organismes spécialisés pour l’emploi des personnes handicapées (ROSEPH), indique que bien des employeurs ignorent qu’il existe des programmes d’employabilité pour les aider. «Le gouvernement peut donner des subventions pour les accommodements ou pour compenser [une moins grande productivité]», explique-t-elle. Le ROSEPH offre par ailleurs des services-conseils aux entreprises.  

Le manque d’éducation des employeurs au sujet des personnes en situation de handicap s’observe aussi sur d’autres plans. «J’ai souvent eu des employeurs qui n’avaient jamais procédé à l’embauche de personnes en situation de handicap avant que je les rencontre, raconte Martin Prévost. Ils ne savaient pas comment faire, ils avaient peur de ne pas faire les choses comme il faut ou même d’empirer la situation.» 

Pourtant, comme le souligne le cofondateur de Neuro Plus, les personnes en situation de handicap postulent à des emplois qu’elles savent être en mesure d’accomplir. «Il n’y a pas de personnes aveugles qui demandent à être chauffeurs d’autobus», lance-t-il.  

Selon lui, la solution pourrait passer par une formation obligatoire et gratuite. Si la CNESST demande qu’un certain nombre d’employé.e.s soient formé.e.s en secourisme, pourquoi ne pas exiger le même principe pour favoriser l’inclusion dans les entreprises? 

«On a des lois qui, sans obliger l’embauche de personnes en situation de handicap, nous interdisent de discriminer, précise Martin Prévost. Mais malheureusement, même au sein d’organismes d’État, il y a encore des pratiques discriminatoires ou qui en ont l’apparence et qui vont à l’encontre de la Charte des droits et libertés de la personne.»  

Il donne en exemple des CIUSSS, qui demandent de remplir un questionnaire médical dès qu’on postule. Une meilleure éducation auprès des employeurs pourrait donc permettre de mieux détecter ce genre de pratiques qui peuvent être discriminatoires.  

Dans l’œil des sociétés d’État 

Clémence Beaulieu-Gendron, porte-parole affaires publiques et communications à la SAQ, explique que la société d’État évalue toutes les demandes d’aménagement et cherche une solution adaptée à chacune. À sa connaissance, il n’est jamais arrivé qu’une demande soit refusée.  

Seulement 0,64% des employé.e.s de la compagnie s’auto-identifient comme étant en situation de handicap, mais différentes initiatives sont entreprises pour augmenter ce chiffre à 1% dans la prochaine année. 

Chez CBC/Radio-Canada, ce sont 4% (dont 2,1% à Radio-Canada) de l’effectif total qui s’identifient comme étant des personnes en situation de handicap, indique Emma Iannetta, première spécialiste, relations médias, stratégie et affaires publiques chez le diffuseur public.  

Elle ne peut cependant pas répondre aux questions concernant les demandes d’accommodement faites par des personnes en situation de handicap, comme ces demandes ne sont pas centralisées. «Ce que je peux vous dire, c’est qu’à CBC/Radio-Canada, nous nous sommes engagés à ce que la moitié des nouvelles embauches à des postes de cadres dirigeants et de cadres supérieurs se fasse auprès des Autochtones et des personnes en situation de handicap et racisées, et que nous doublerons les taux de rétention et de promotion des membres de ces trois groupes», écrit la relationniste à Métro.  

Parce que c’est bien beau d’embaucher des personnes en situation de handicap, encore faut-il savoir répondre à leurs demandes pour leur permettre de bien exercer leur travail, histoire de les garder dans l’entreprise.  

La Semaine québécoise des personnes handicapées se déroule chaque année du 1er au 7 juin afin de sensibiliser la population aux obstacles qu’elles rencontrent, mais également pour faire connaître leurs bons coups. 
 
Plus d’un million de Québécois.es ont une incapacité. Cela représente 16% de la population de la province de 15 ans et plus, selon l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017. 

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