Comment célébrer l’histoire des Noir.e.s selon les Noir.e.s
Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noir.e.s qui débute le 1er février, Métro a réuni trois personnalités de la communauté pour leur demander comment on peut le souligner de la meilleure façon, sans maladresse.
1. Se souvenir de l’histoire des Noir.e.s du Québec
Oui, savoir qui sont Malcolm X ou Martin Luther King est essentiel, mais il faut aussi se pencher sur l’histoire afro-québécoise ou afro-canadienne. Pas juste celle des États-Unis, suggère Webster, artiste et conférencier noir.
«On ne sait pas notre propre historique d’esclavage. On ne connaît pas les gens qui ont lutté pour les droits civiques ici, résume-t-il. On ne connaît pas les émeutes raciales qu’il y a eu en 1784 en Nouvelle-Écosse ou encore ici à Montréal à l’Université Concordia en 1968.»
D’après l’artiste, l’histoire a été souvent écrite pour mettre l’accent sur les personnes blanches euro-descendantes. Prendre le temps de se renseigner sur l’histoire des Noir.e.s permet donc de s’assurer qu’elle ne tombe pas dans l’oubli même si la présence d’esclaves noir.e.s était plus forte aux États-Unis qu’au Canada.
«Excepté la présence autochtone, la présence afro-descendante ici est la deuxième plus longue, aussi longue que la présence francophone», explique-t-il.
C’est donc l’occasion d’en apprendre plus sur Marie-Josèphe-Angélique, Olivier Le Jeune, Viola Desmond, Anne Cools, Roosevelt Douglas ou encore David George.
Pour ce faire, on google, on consulte des documentaires gratuits sur l’ONF, ou on va faire un tour à la bibliothèque.
2. S’ouvrir à la diversité et encourager la communauté noire
Nombreux et nombreuses sont les artistes ou entrepreneur.e.s noir.e.s dans la Belle Province. Mais aller consciemment à leur rencontre n’est pas un réflexe généralisé, malheureusement.
Peu de personnes blanches vont se faire coiffer dans un salon détenu par des femmes noires, observe par exemple Renzel Dashington.
Il observe le même phénomène en humour, plus précisément depuis qu’il a créé une soirée d’humour, intitulée Les Bad boys du rire, mettant en valeur un collectif d’humoristes issu.e.s de la diversité.
«Si j’ai 3% de fréquentation de personnes blanches, c’est bon, parce que les gens craignent de traverser la ligne. Le Mois de l’histoire des Noir.e.s, c’est l’occasion de s’éduquer et de dédramatiser le fait d’ouvrir les barrières».
Pour trouver une compagnie black owned à Montréal, on peut consulter le site qcnb.afrobiz.ca.
Non seulement vous encouragez l’achat local, mais aussi vous soutenez des entreprises détenues par des personnes noir.e.s.
On peut également donner à des organismes qui luttent contre le racisme, proposer son aide bénévolement ou encore consulter leurs blogues ou réseaux sociaux.
3. S’éduquer et éduquer les autres
Vous avez regardé des documentaires, vous avez fait le plein de connaissances sur la communauté noire? C’est à votre tour de faire partager votre savoir.
Aborder le sujet avec vos proches ou même intervenir lorsqu’une situation est problématique fait toute la différence.
«Ta grand-mère, ta tante, ton oncle, ton cousin; c’est ton travail de parler à d’autres personnes», insiste Renzel Dashington.
Mais de quoi jaser? De ce que vous avez récemment appris ou constaté, tout simplement. On peut sinon parler de certains enjeux historiques blessants comme le racisme systémique ou encore l’appropriation culturelle, suggère la créatrice de contenu Aïcha Black, alias La grosse qui fait des vidéos.
«ll faut amplifier les voix des personnes marginalisées. Il serait bien pour tout le monde de commencer à nous écouter, de voir les solutions qui sont lancées pour régler les problèmes qui durent depuis une centaine d’années, ajoute-t-elle. Pour mettre un pansement sur une blessure, il faut la voir.»
Selon elle, il y a deux raisons qui expliquent pourquoi certaines personnes blanches hésitent encore à aborder ces «blessures»: «Ils craignent peut-être que s’ils admettent qu’il y a une blessure [au sein de la communauté noire], que cela signifie que c’est eux personnellement qu’ils l’ont créée [et que c’est de leur faute]. La deuxième, c’est qu’il y a des gens qui ne veulent juste pas la réparer, car ils veulent continuer à blesser.»
Comprendre pourquoi le passé blesse et mieux comprendre l’histoire sont essentiels pour permettre un éveil des consciences et donc une évolution des mentalités.
4. Célébrer… pas juste en février
Nos intervenant.e.s sont unanimes: la meilleure manière de célébrer l’histoire des Noir.e.s… ce n’est pas juste d’en parler qu’en février.
«Je reçois beaucoup de demandes pour faire des conférences autour de la fin janvier, je dis toujours aux compagnies: on peut la donner aussi en mars, la conférence», s’exclame Webster.
Même son de cloche du côté d’Aïcha, qui rappelle que l’histoire des Noir.e.s est l’histoire de tout le monde, toute l’année.
«J’entends les gens demander: pourquoi on n’a pas de mois de l’histoire des blancs? Eh bien, il a pourtant lieu les 11 autres mois par année, ironise-t-elle. S’ils pensent qu’il manque de personnes blanches dans l’histoire, je ne sais pas quels cours ils ont suivis.»
Les suggestions de Webster
Livres:
- David Austin, Nègres noirs, Nègres blancs. Race, sexe et politique dans les années 1960 à Montréal, Lux Éditeur, 2015, 293 pages. (Traduction française de Fear of a Black Nation).
- Frank Mackey, L’esclavage et les Noirs à Montréal, 1760-1840, Hurtubise, 2013, 662 pages.
- Serge Bilé, Esclave et bourreau. L’histoire incroyable de Mathieu Léveillé, esclave de Martinique devenu bourreau en Nouvelle-France, Septentrion, 2015, 165 pages.
- Marcel Trudel, Deux siècles d’esclavage au Québec, Hurtubise HMH, 2004, 406 pages.
- Webster et Dimani Mathieu Cassendo, L’esclavage au Canada, Commission canadienne pour l’UNESCO, 2020, 21 pages.
- Webster et Valmo, Le grain de sable. Olivier Le Jeune, premier esclave au Canada, Septentrion, 2019, 80 pages.
Documentaires:
- Les Girls, 1999, par Meilan Lam et Robert Paquin, offert sur l’ONF. (52 minutes)
- Neuvième étage, 2015, par Mina Shum, disponible sur l’ONF. (1h21)