Avez-vous été victime de «greensplaining»?
S’engager pour l’environnement, c’est bien. Harceler et moraliser tout le monde avec vos convictions, un peu moins. C’est-ce qu’on appelle le greensplaining, une pratique à éviter pour ne pas vous mettre les gens à dos et desservir la cause.
On vous a déjà fait culpabiliser d’utiliser votre voiture tous les jours ou de prendre l’avion pour partir en vacances? On vous a expliqué avec condescendance que manger des avocats du Mexique, c’est honteux, alors que vous n’aviez rien demandé? Vous avez peut-être été victime de greensplaining…
Si le mot n’est pas encore très connu, la pratique, elle, est assez répandue.
Le greensplaining, c’est quoi?
Formé de green (vert) et explaining (expliquer), «le terme greensplaining s’est développé en analogie avec celui de mansplaining [cette habitude qu’ont certains hommes de couper la parole aux femmes pour expliquer les choses à leur place]», explique Maya Jegen, professeure à l’Université du Québec à Montréal, spécialisée en politique de l’énergie.
«Il semble désigner l’attitude des personnes qui font trop de zèle pour expliquer les causes d’un problème environnemental et qui jugent le comportement des autres en leur servant un discours moralisateur et de culpabilisation», précise-t-elle.
Un tel discours n’est jamais sollicité et il pourrait aussi bien se résumer par: «Je sais mieux que toi, alors voici, je t’explique.»
Un discours de domination
«C’est un terme chargé d’une relation de pouvoir et de domination», surenchérit Josée Provençal, docteure en science politique à l’Université d’Ottawa et chercheuse au sein de la Chaire de recherche du Canada sur l’action climatique urbaine.
Selon elle, le greensplainer typique est un environnementaliste convaincu (souvent un homme blanc éduqué), qui n’a pas conscience de sa posture privilégiée et du déséquilibre de pouvoir qui peut exister avec son interlocuteur.trice. Il efface l’ethnicité, le genre et la classe sociale pour offrir une vision de l’écologie qui ne tient pas compte des inégalités et du discours des autres.
Contreproductif
La docteure estime que lorsque l’on utilise un discours moralisateur, on perd notre interlocuteur.trice plutôt que l’amener à adhérer à notre point de vue. Le greensplaining ne semble donc pas être la meilleure stratégie pour sensibiliser les autres à la cause environnementale. Cette pratique serait même carrément contreproductive.
«Personne n’aime se faire donner la leçon, surtout quand ce n’est pas à un moment opportun. Même si une personne devrait ajuster ses comportements pour être plus écoresponsable, se faire greensplainer ne va pas l’encourager. Au contraire, elle risque de lever ses boucliers», résume Josée Provençal.
Favoriser le dialogue
Alors, comment faire de la sensibilisation environnementale sans sombrer dans le greensplaining?
«Le discours doit s’inscrire dans une conversation qui touche les réalités de tous les interlocuteurs plutôt que dans un monologue lourd et méprisant», indique Josée Provençal.
La chercheuse suggère donc d’avoir des conversations sur des sujets communs où les enjeux environnementaux peuvent être abordés subtilement, sans qu’ils viennent «polluer» la discussion.
«Ce n’est pas en imposant des idées qu’on arrive à nos fins, mais il est possible d’infiltrer des positions dans des conversations qui peuvent amener des réflexions à plus long terme», conclut-elle.
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