Eh oui, les personnes asexuelles aussi peuvent avoir envie de rencontrer l’âme sœur. Mais, entre des applications de dating mésadaptées et les préjugés multiples, elles peuvent swiper longtemps avant de tomber sur le ou la bon.ne. Tête à tête avec des membres de la communauté.
Quand vient le temps de flirter, l’un des premiers défis pour les personnes asexuelles est de bien faire comprendre leur orientation sexuelle. Parce que oui, même si le mot existe depuis quelques années, il demeure encore incompris.
«On confond parfois asexualité et abstinence. Être abstinent, c’est choisir de ne plus avoir de relations sexuelles, de faire une pause… On ne parle pas de la même chose, explique la sexologue Laurence Desjardins. Pour résumer simplement, les personnes asexuelles sont des personnes qui ressentent peu ou pas d’attirance sexuelle.»
Rejet et incompréhension
Vincent Grenier-Larin a découvert son asexualité il y a 3-4 ans à peine. Il se définit aujourd’hui comme étant aegosexuel. C’est-à-dire que son désir peut s’exprimer vis-à-vis de fantasmes ou d’images, mais il ne ressent pas d’attirance pour des personnes.
Quelque temps après avoir enfin pu mettre des mots sur sa sexualité, Vincent a tenté de faire des rencontres par le biais d’applications ou de sites de dating. Chaque fois qu’une fille l’intéressait, il choisissait d’être honnête et d’annoncer d’emblée son asexualité. «Dès que je le disais, soit la fille me ghostait, soit elle n’était plus intéressée», raconte-t-il.
«Une fois, une fille avait l’air d’avoir vraiment compris. On est allés en date plusieurs fois, tout se passait bien. Mais après qu’on s’est embrassés, elle a tout de suite voulu aller plus loin…», se souvient-il, en se désolant d’avoir dû mettre un terme à la relation sur-le-champ.
En expliquant son orientation sexuelle, il a aussi fait face à toutes sortes de remarques déplacées et parfois décourageantes: «Mais voyons c’est impossible!», «C’est juste une question de temps, tu finiras par trouver la bonne femme», «Tu dois avoir vécu un traumatisme, non?»
«C’est vrai qu’on peut facilement se retrouver face à quelqu’un qui n’a pas vraiment lu notre profil ou voit ça comme un défi de nous faire “aimer le sexe”… ou qui croit pouvoir nous faire changer», rapporte Isabelle Stephen, la fondatrice de la Communauté asexuelle de Montréal.
S’il y a encore du progrès à faire, elle constate tout de même une évolution dans les mentalités. L’application OkCupid, l’une des plus populaires au sein de la communauté, permet par exemple de cocher une case «asexualité».
Trouver un safe space
Pour offrir un espace de rencontre sans jugement pour les personnes asexuelles, Vincent Grenier-Larin a créé un groupe Facebook (Rencontre ace/aro) qui rassemble plus de 300 personnes à travers le Québec.
Ce groupe, tout comme celui de la Communauté asexuelle de Montréal, organise des rencontres et permet aux personnes asexuelles d’échanger et d’apprendre à se connaître dans un contexte bienveillant. C’est comme ça qu’il a d’ailleurs rencontré sa blonde, elle aussi asexuelle.
«On se sent en confiance quand on se voit parce qu’on sait qu’on ne va pas être rejeté ou jugé. On est avec des gens qui savent ce que c’est l’asexualité, explique-t-il. Mais là encore, il faut rester ouvert d’esprit et savoir que l’asexualité, c’est un spectre. Certaines personnes peuvent être mal à l’aise avec le sexe ou l’intimité, alors que d’autres pas du tout.»
Autre alternative pour certains: se tourner vers les groupes consacrés au polyamour.
«Parfois, on voit des personnes asexuelles qui se joignent à ces groupes pour faire des rencontres et qui vivent de très belles expériences de cette manière», note Isabelle Stephen.
Voir le couple autrement
Elle-même en couple avec un partenaire qui n’est pas asexuel, elle rappelle qu’on ne choisit pas de qui on tombe amoureux et qu’en discutant des besoins de chacun, il est souvent possible de trouver un terrain d’entente.
«On associe souvent à tort la fréquence des relations sexuelles à un amour passionné, fort. En réalité, il y a plein d’autres manières de manifester de l’affection», souligne aussi la sexologue Laurence Desjardins.
«Et puis, bien sûr, on peut aussi questionner l’importance qu’a pour soi la fidélité sexuelle et affective, ajoute-t-elle. Le couple basé sur le modèle judéo-chrétien [deux personnes dans une relation exclusive] ne convient pas à tous les êtres humains. D’autres configurations existent, comme le couple ouvert ou le polyamour. Pourquoi ne pas les explorer?»
Le spectre de l’asexualité
L’asexualité est vécue différemment d’une personne à l’autre. Voici quelques-unes des orientations sexuelles qui existent sous ce spectre:
- Grisexualité: attirance sexuelle rare ou faible
- Demisexualité: attirance sexuelle qui s’exprime seulement après avoir établi un lien émotionnel très fort avec une personne
- Fray-sexualité: attirance sexuelle qui s’affaiblit rapidement au fur et à mesure que la relation se développe