La pole dance, une discipline sportive étonnante
La pole dance est souvent pensée comme une pratique hyper-sexualisée et réservée aux danseuses de club. Pourtant, de plus en plus de femmes découvrent cette activité hors du commun, et de nombreux studios proposent désormais des cours dans la métropole.
Le Milan Pole Dance Studio, basé dans le quartier du vieux-port de Montréal, est un exemple parfait de ce nouvel engouement pour cette danse. Le lieu est épuré, beau et accueillant. Les professeures, toutes passionnées par la pratique, proposent des cours pour tous les niveaux. «Les débutants sont évidemment les bienvenus. Il n’y aucun prérequis nécessaire pour commencer», explique Isabelle Lê, professeure au studio.
Bien plus sportif qu’il n’y parait
Mais pourquoi alors commencer la pole dance? Pour se surpasser, pour retrouver confiance en soi, apprendre à aimer son corps… mais avant tout pour se muscler.
Isabelle Lê confirme que la plupart des nouveaux élèves sont simplement «tanés d’effectuer les mêmes exercices à répétition au gym.» Louisiane, élève au studio depuis 2018, s’est intéressée à cette danse en partie pour cette raison. «Je recherchais en premier lieu à pratiquer une danse, pas trop chorégraphique et surtout sportive», explique-t-elle.
La pole dance travaille en effet de nombreuses parties du corps. Les bras pour se hisser sur la barre, les jambes et les fesses pour se tenir et ne pas glisser, et le reste du corps pour effectuer des figures aériennes impressionnantes. «C’est une activité très physique mais amusante. Les danseurs ne se rendent pas compte qu’ils s’entrainent», continue la professeure.
Le plus dur? «Rendre tout cela beau». Louisiane précise que «la douleur et la difficulté ne doivent pas être perceptibles. C’est ça qui fait de cette pratique un véritable art.»
«Les personnes viennent ici pour se surpasser, se réapproprier leur corps. Ils évoluent physiquement et mentalement à un niveau qu’ils n’avaient jamais eu la chance d’explorer auparavant.» – Isabelle Lê, professeure au Milan Pole Dance Studio de Montréal
Une confiance en soi inégalée
Mais au delà du côté physique, l’aspect émotionnel et mental rentre aussi beaucoup en compte.
Josée, également élève au studio montréalais, s’est intéressée à cette pratique après un important bouleversement personnel. «Mon monde s’écroulait autour de moi et je savais que j’allais avoir besoin de quelque chose pour m’aider à traverser ce qui allait devenir une des périodes les plus difficiles de ma vie.» Elle s’essaya à la pole dance en mai dernier, et n’a depuis jamais lâché la barre. «La pole m’a définitivement renforcée», ajoute-t-elle. Et sa nouvelle confiance en elle se montre tant dans sa vie personnelle que professionnelle. «La pole m’a aidé à me rebâtir. Je me sens prête à affronter le monde».
Pour Louisiane, il s’agissait avant tout de «vivre un changement et [d’]explorer un nouveau moi.»
Les deux élèves sont aujourd’hui fières de leurs accomplissements, qu’elles dédient en partie à leurs consoeurs.
«Il y a toujours quelqu’un ici pour t’encourager, te supporter, te rassurer, t’applaudir, te réconforter», déclare Louisiane. «C’est un espace sécuritaire où je peux être moi-même, vulnérable, forte, belle, faible, naturelle, pudique, explicite, sexy ou mélancolique. Toutes les nuances, tous les spectres, toutes les émotions sont accueillis.»
Selon une étude américaine de 2015 (Enjoyment of Sexualisation and Positive Body Image in Recreational Pole Dancers and University Students), les studios de pole dance créent en effet des liens très forts entre les élèves. Les chercheurs démontrent que «les classes de pole dance offrent aux femmes l’opportunité de créer des amitiés, de rejoindre une sororité qui partage leurs valeurs et leurs idées de la femme.»
«C’est comme avoir trouvé une deuxième famille», confie Josée. «Les profs sont superbes et aidantes et j’y ai trouvé des amies qui sont comme des sœurs.»
Une sexualité assumée
Difficile toutefois de se détacher de cette image dépassée de la pole dance. Les chercheurs rappellent que cette pratique était avant tout reconnue comme une pratique «sale». Une danse encore teinte par de nombreux préjugés, dont les studios plus modernes essaient de se détacher.
Louisiane avoue avoir eu «peur» que les gens l’étiquettent et l’hypersexualisent, «à cause des préjugés et méconnaissances de la pratique.» «J’avais peur de devenir et d’être réduite à un objet de curiosité ou d’intérêt tendancieux», déclare l’élève.
Pourtant, une seconde étude sur le sujet (Holding on to both ends of a pole: Empowering feminine sexuality and reclaiming feminist emancipation), rappelle que l’activité, exercée en groupe, sans public et entre adeptes, perd son aspect «dégradant». Le corps de la femme, pratiquant la pole dance comme une activité de fitness, perd alors «cette image d’objet de consommation publique.»
«Nous sommes aujourd’hui passés d’une situation où nous payions pour voir des femmes danser pour nous, à des femmes payant des cours pour apprendre à danser sur une barre de pole dance», ajoute les chercheurs danois. «Les femmes apprennent aujourd’hui qu’elles ne devraient pas avoir honte de leur sexualité. La pole dance leur permet, au contraire, de jouer avec elle de manière active, de l’embrasser, l’apprécier et de la reconquérir.»