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Faut-il normaliser l’écoanxiété?

Un été en flammes. Le GIEC qui sonne l’alarme. Des décideurs pas toujours décidés à agir… Il y a de quoi commencer (un peu) à angoisser, non?  

D’après le Baromètre de l’action climatique, un rapport produit par le média Unpointcinq et l’Université Laval, près de 80 % des Québécois se déclaraient «fortement préoccupés» par la crise environnementale en 2019. La dernière mouture du rapport soulignait en 2020 que le même pourcentage de la population pense qu’il est «urgent d’agir».

Des résultats qui ne surprennent pas Karine St-Jean, psychologue et auteure du livre Apprivoiser l’écoanxiété et faire de ses écoémotions un moteur de changement. «Être écoanxieux, c’est-à-dire être préoccupé par l’état de la planète et du climat, c’est tout à fait normal, sain et logique», affirme-t-elle sans détour.

Les événements climatiques destructeurs qui se multiplient et nous touchent de plus en plus près nous poussent, selon elle, à prendre conscience des enjeux et à nous en inquiéter. Les inondations qui ont marqué le Québec ces dernières années ou, plus récemment, les incendies qui ont fait rage en Ontario et en Colombie-Britannique causent des inquiétudes bien légitimes.

«Il n’y a pas encore d’études qui montrent que plus de gens consultent un thérapeute à cause de l’écoanxiété, mais dans ma pratique, je constate que c’est une préoccupation de plus en plus présente», ajoute la psychologue.  

Nouvelle normalité 

Entré dans le dictionnaire tout récemment (en 2019-2020), le terme écoanxiété décrit un phénomène lui aussi nouveau. En effet, l’environnement et les changements climatiques n’ont pas toujours été au centre des préoccupations de la population, loin de là. Des premiers sursauts écologistes des années 1970 à la normalisation de l’écoanxiété en cours aujourd’hui, la prise de conscience collective aura été lente.  

«Depuis la signature du protocole de Kyoto en 1997 et l’établissement de cibles de réduction des gaz à effet de serre, le sentiment d’urgence s’est progressivement accentué, renforcé par chaque nouvelle publication scientifique venue préciser le portrait du réchauffement planétaire», souligne la chercheuse en sociologie à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques Julia Posca.

On peut d’ailleurs s’attendre d’après elle à ce que l’écoanxiété continue de progresser dans la société, surtout si les décisions politiques tardent à venir. «La crise climatique n’est plus imminente, elle est en cours, constate la sociologue. Et l’absence d’actions structurantes et ambitieuses de la part des gouvernements alimente l’anxiété des citoyens et citoyennes. Ils se sentent encore plus impuissants face à la crise.»  

Dépasser le déni  

Dans ce contexte, est-il encore concevable de ne pas être écoanxieux? Selon la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier, deux réactions sont possibles: la prise de conscience (qui vient avec son lot d’écoanxiété) ou le déni.  

«Les bouleversements climatiques touchent à des enjeux comme la destruction de la biodiversité et l’avenir de l’humanité, donc forcément, c’est très anxiogène», explique-t-elle. Et pour ceux qui ne savent pas comment gérer l’information, il est parfois plus simple de faire l’autruche.  

Doctorante en psychologie sociale et assistante de recherche à l’Université du Québec à Montréal, Christina Popescu mène actuellement une étude sur l’écoanxiété dans le cadre de sa thèse. À travers ses recherches, elle s’intéresse justement au déni et aux formes qu’il peut prendre.

«Sans aller jusqu’à nier l’existence des changements climatiques, trop de gens se rattachent à une pensée magique, explique-t-elle. On se dit par exemple que la technologie va nous sauver, alors pourquoi changer notre mode de vie? Si on accepte la situation telle qu’elle est, on sait pourtant qu’on ne peut pas continuer à vivre comme on le fait.» 

Pour ne pas s’enfoncer dans le déni, ni dans une forme d’anxiété incapacitante, la solution est, selon la chercheuse, de cultiver un «espoir actif» en s’engageant notamment dans des projets collectifs.  

«C’est important d’agir en restant ancré dans le présent, de s’allier à des gens qui partagent nos valeurs et de s’éloigner des défaitistes», résume-t-elle.  

4 conseils pour gérer votre écoanxiété 

  • Prendre soin de soi: Pour apaiser votre sentiment d’écoanxiété, prenez le temps de prendre soin de vous en pratiquant des activités relaxantes qui vous font du bien. Méditez, respirez, et (re)connectez-vous avec la nature.  
  • S’engager pour la planète: Rejoindre un collectif citoyen ou un organisme écolo vous permettra de mener des actions positives concrètes. C’est aussi l’occasion de rencontrer des gens qui partagent vos valeurs et votre envie d’agir. Attention toutefois à ne pas en faire trop! 
  • Trier ses sources d’information: Pour éviter de virer fou, ne passez pas votre temps à scruter les nouvelles sur l’environnement, conseillent les psychologues. Faites aussi le tri parmi les différentes sources d’information que vous consultez. Dites au revoir aux médias sensationnalistes et aux comptes Instagram fatalistes.  
  • Consulter un professionnel de la santé mentale: Si penser à l’environnement vous empêche de dormir la nuit ou vous donne des attaques de panique, c’est que votre écoanxiété prend trop de place. Il est peut-être temps de solliciter l’aide d’un professionnel. 

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