Les dangers du crédit comme étudiant
Difficile de concevoir aujourd’hui une vie sans crédit. Mais lorsqu’on est étudiant, sans revenu stable, et que les banques nous courtisent, la prudence est de mise. À l’aube de la rentrée scolaire, voici quelques conseils d’experts en crédit pour ne pas hypothéquer votre avenir!
Avoir beaucoup de crédit… disponible
On perçoit souvent le fait de posséder plusieurs cartes de crédit comme une mauvaise chose, mais dans les faits, ce n’est pas (nécessairement) le cas. «Plus vous disposez de crédit inutilisé, plus on vous en offrira», souligne l’expert en crédit Normand Pinard.
Un des facteurs qu’une institution financière étudie pour vous accorder ou non du crédit est la portion de crédit qui vous est allouée, mais inutilisée. «Il vaut donc mieux avoir cinq cartes de crédit avec des marges de 2000 $, mais un solde à 0, qu’une seule carte dont la limite est atteinte», explique M. Pinard.
Mais attention, prévient Jacques Nantel, professeur au département de marketing de HEC Montréal. Avoir plusieurs cartes de crédit, c’est aussi risquer de trop s’endetter et de «pelleter par en avant». «Lorsque vous utilisez plusieurs cartes de crédit, il peut arriver un temps où vous focalisez sur le solde minimal à payer, et là, vous êtes en train de vous enterrer.»
Se faire un budget
Lorsqu’on utilise une carte ou une marge de crédit, il est primordial de se faire un budget, pour ne pas l’utiliser outre sa capacité de rembourser. «Il faut considérer ce qu’on peut dépenser et ce qu’on ne peut pas», insiste Normand Pinard, qui rappelle qu’aujourd’hui, un Canadien moyen est endetté de 150 % de son revenu annuel. «Il faut utiliser le crédit de façon responsable, dit Jacques Nantel. Ça demande un minimum de conscience, mais ce n’est pas hors de portée d’un étudiant universitaire.»
Faire son paiement dans le délai prévu
Le premier critère sur lequel se basent les créanciers pour vous accorder ou non du crédit, selon Normand Pinard, est le fait de respecter chaque mois la date butoir de remboursement de sa carte de crédit. «Le moindre retard de paiement est un facteur de décote. Il faut se faire une religion de payer dans les délais.»
Rembourser plus que le paiement minimum
Plus on paie, au lieu de faire seulement le paiement minimum chaque mois, plus notre cote s’élève, explique Normand Pinard. «Et si je fais toujours le paiement minimum, ça va me prendre 21 ans pour payer mon solde!»
Demander à voir sa cote de crédit
Cette fameuse cote est la base pour avoir accès à toute forme de crédit. Alors, aussi bien savoir en quoi elle consiste. «Il s’agit d’un droit défendu par la Loi sur la protection du consommateur, souligne M. Pinard. On peut demander à Équifax ou Transunion d’avoir accès gratuitement à notre rapport de crédit. Il est assez fréquent qu’il y ait des erreurs, alors il est donc important de les faire corriger auprès des créanciers.»
Études en médecine: «Personne ne nous présente l’autre côté de la médaille»
Le montant du crédit qu’on vous alloue en tant qu’étudiant est proportionnel au salaire qu’on estime que vous ferez plus tard. Pour certains étudiants – en médecine ou en dentisterie, par exemple –, ce montant peut être impressionnant.
«Ce sont des grosses sommes. Quand tu sors du cégep, tu n’as pas nécessairement les aptitudes pour gérer tout ça», résume Mathieu Dumais, qui s’est beaucoup endetté pendant ses études en médecine.
Lorsqu’il a commencé ses études à l’Université de Sherbrooke, en 2004, les banques organisaient des dîners-conférences pour offrir des marges de crédit aux étudiants de sa cohorte. «C’était 50 000 $ pour la première année, et 30 000 $ par année pour les suivantes, se souvient-il. Mais personne ne nous présente l’autre côté de la médaille.»
«C’est quelque chose qui flotte toujours au-dessus de toi, des dettes. Au quotidien, ça peut être difficile à gérer. J’ai même pensé déclarer faillite.»
Mathieu s’est endetté beaucoup plus que ce qu’il aurait dû. «C’est facile de tomber dans un style de vie plus faste. Tu t’en rends plus ou moins compte. Je connais des gens qui se sont acheté une auto neuve…»
À la fin de ses études, Mathieu s’est rendu compte qu’être médecin n’était finalement pas ce qu’il souhaitait faire. Il a recommencé un baccalauréat, en biologie cette fois, et s’est endetté à nouveau, avec un prêt du gouvernement. «Pendant mon deuxième bac, j’avais trois emplois en même temps, pour pouvoir arriver et continuer de rembourser mes dettes précédentes.»
Il avoue avoir connu des jours difficiles. «C’est quelque chose qui flotte toujours au-dessus de toi, des dettes. Au quotidien, ça peut être difficile à gérer. J’ai même pensé déclarer faillite.»
Aujourd’hui, sept ans plus tard, Mathieu est enseignant en biologie au cégep de Granby. À l’aube de ses 31 ans, il évalue avoir remboursé la moitié de ses dettes. «Je travaille fort et j’ai un rythme de vie beaucoup plus humble», dit-il.