La décision de la nouvelle PDG de Yahoo, Marissa Meyer, d’interdire le télétravail à ses employés a causé beaucoup de remous l’hiver dernier.
La raison qu’elle a invoquée? Tout le monde doit mettre la main à la pâte (et venir au bureau) pour aider à relever l’entreprise. Est-ce que Mme Meyer va à l’encontre de la tendance en termes d’organisation du travail, ou le télétravail est-il nuisible pour les organisations?
Richard Branson, le fondateur du Groupe Virgin, a réagi sur son blogue moins d’une semaine plus tard, en accusant Marissa Meyer de ne pas comprendre le milieu actuel de l’emploi et de faire un pas en arrière: «Travailler de 9 h à 5 h n’est plus d’actualité. Le monde est connecté. Les compagnies qui ne comprennent pas vont manquer le train.» Son billet, «Give people the freedom of where to work», est un appel à la liberté des employés par le télétravail.
Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l’École des sciences de l’administration à la TÉLUQ s’explique mal la décision de la jeune dirigeante du moteur de recherche américain: «Le geste de la PDG de Yahoo est très étonnant, surtout dans ce secteur où de nombreux outils de travail à distance sont disponibles.» Pour elle, c’est une excellente manière de dire aux employés de Yahoo d’aller voir ailleurs.
Équipe tissée serrée
En 2013, est-il toujours nécessaire que les équipes soient 40 heures par semaine dans le même espace de travail? La question est pertinente pour Mme Tremblay: «Ça paraît illogique d’interdire le télétravail, surtout si chacun travaille dans son cubicule et s’envoie des courriels.» Sans compter que les technologies de l’information se sont développées exponentiellement ces 15 dernières années.
Dans une étude publiée avec le CEFRIO, Mme Tremblay identifiait cinq inconvénients principaux du télétravail: pas de collègues de travail, isolement professionnel, davantage ou trop de travail, difficulté à se motiver, à se discipliner et conflit entre le travail et la famille. Il y a toujours une perception différente entre ceux qui sont à temps plein à la maison et ceux qui travaillent à l’extérieur du bureau quelques jours ou quelques heures par semaine.
Malgré tout, le télétravail est, selon Mme Tremblay, «fort demandé par les salariés. C’est un facteur d’attraction pour les employés et de rétention pour les employeurs, surtout vis-à-vis des travailleurs plus âgés.» Pour la spécialiste, les avantages ressentis par les employés le sont également pour les employeurs: horaire plus souple, espace de travail plus tranquille, réduction du stress, moins de perte de temps dans les transports, donc amélioration de la qualité du travail et de la quantité de travail accompli.
Une équipe tissée serrée n’est pas compromise si on organise ponctuellement des activités pour rassembler les employés en télétravail, ajoute Mme Tremblay, comme des réunions hebdomadaires ou des dîners mensuels en groupe. Sans compter que Skype ou les technologies disponibles actuellement tendent à briser l’isolement professionnel.
Tous télétravailleurs?
Il y a diverses formes de télétravail, à temps complet ou à raison de deux ou trois jours par semaine. Cependant, justement à cause du développement des technologies de l’information et des téléphones intelligents, par exemple, nombre de salariés, des cadres ou des professionnels pour la plupart, selon Mme Tremblay, «ramènent du travail à la maison».
Répondre aux courriels que le manque de temps nous a empêchés de donner suite, relire des documents et se préparer pour la réunion du lendemain, ou terminer un rapport urgent après le coucher des petits sont devenus des gestes fréquents chez plusieurs salariés. Est-ce du télétravail? Diane-Gabrielle Tremblay parle de «télétravail informel» et s’inquiète du «débordement du travail dans la vie personnelle».
Êtes-vous un télétravailleur qui s’ignore?